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>> Politique internationale et enjeux planétaires >> Un monde solidaire et durable >> Pour une alternative à l'OMC
 
Pour une mondialisation régulée
Oui mais comment ?

 
Il y a ceux qui trouvent la mondialisation « heureuse ». Ils blâment les peuples qui sont incapables à leurs yeux de « s'adapter » à cette transformation « inéluctable » de la planète en un immense marché où tout, le minéral, le végétal, l'animal, l'humain et ce que l'humain crée doit pouvoir se vendre et s'acheter. Sans que rien ne vienne s'y opposer et surtout pas ce qu'ils appellent des « barrières non tarifaires », autrement dit, les lois, règlements, décrets que les pouvoirs publics nationaux ou locaux adoptent dans le cadre de la souveraineté démocratique.

Il y en a d'autres qui veulent bien convenir que cette mondialisation n'est pas si heureuse que cela, qu'elle fait même quelques dégâts. Eux, ils appellent de leurs vœux une « mondialisation maîtrisée », une « mondialisation régulée ». C'est le propos notamment des sociaux-démocrates comme Pascal Lamy, le patron de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et ses amis de la direction du PS français. Avec Ségolène Royal, il est même question d'une « mondialisation maîtrisée et pacifique »... Mais aucun ne précise la manière dont ils entendent procéder. Au-delà d'un slogan racoleur, que devrait-on attendre ?

Tout d'abord, mettre fin à un préjugé : celui clamé par Margareth Thatcher selon lequel « il n'y a pas d'alternative ». La mondialisation a été voulue par les gouvernements et mise en œuvre par des institutions comme le Fonds Monétaire International (FMI) et l'OMC. Il n'y a pas de fatalité. L'histoire de l'humanité est faite de progrès et de régressions. La mondialisation en est une qui peut et doit être corrigée.

Cela étant, comment rendre profitable à tous cette mondialisation ? Il y a, au préalable, une formidable bataille des idées à remporter sur trois points.

En premier lieu, sortir des dogmes. Cesser de sacraliser des modèles. Le libre échange comme le protectionnisme ne sont pas des fins en soi. Ce sont des outils. Dont les pays occidentaux se sont servis et se servent au gré des intérêts de leurs entreprises. Tout en prétendant aujourd'hui imposer le libre échange au reste de la planète. Pour pouvoir ensuite imposer à leurs propres populations les adaptations dont ils sont à l'origine. Il en va de même des fonctions de régulation et de distribution conférées, avec plus ou moins d'intensité, aux pouvoirs publics. Ici aussi, après une approche dogmatique dans un sens, on verse dans l'excès contraire. Désacralisons les modèles et regardons les réalités !

Ensuite, reconnaître ce qui n'est pas contestable : à savoir que le libre échange génère de l'injustice et de la pauvreté chaque fois qu'il se pratique entre partenaires inégaux, chaque fois qu'il met en concurrence des degrés différents de développement et de protection sociale, chaque fois qu'il n'y a pas réciprocité dans les avantages dégagés.

Enfin, démentir une fable : contrairement à ce que ses défenseurs affirment, l'OMC ne régule pas le commerce mondial. Aucune disposition des accords qu'elle gère ne concerne les firmes privées, les sociétés transnationales, les paradis fiscaux ou encore les zones franches, ces véritables zones de non droit. Le but de l'OMC, c'est de libéraliser au maximum, c'est-à-dire de déréguler. Comme le reconnaissait le prédécesseur de Pascal Lamy, l'OMC « ne s'occupe pas du secteur privé ».
Malheureusement, dans cette bataille des idées, face à la pensée unique néolibérale, la presse ne remplit plus son rôle de contrepouvoir critique, pourtant indispensable en démocratie représentative. Il faut donc user de nouveaux moyens de communication pour compenser la disparition du 4e pouvoir. Internet, produit heureux de la mondialisation, en est un. Il a facilité les mobilisations contre le FMI, l'OMC et le projet de constitutionnalisation du néolibéralisme européen.

Une fois effacés les méfaits de la pensée unique, il faut « maîtriser » la mondialisation. Ceci passe par une réforme en profondeur du droit international et des deux principaux instruments de cette mondialisation : le FMI et l'OMC.

Des propositions concrètes existent. Elles ne sont pas portées par ceux qui parlent de maîtriser la mondialisation, mais sont muets sur la manière de s'y prendre.
Réformer le droit international : trop de traités internationaux sont contredits par les accords de l'OMC. Ainsi, par exemple, les conventions sociales de base de l'Organisation Internationale du Travail ou bien les principes fondamentaux de l'Organisation Mondiale de la Santé ou encore les textes relatifs au respect de la biodiversité. Il en va de même de la récente convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle. Il faut éliminer ces contradictions en donnant priorité aux droits fondamentaux. C’est possible.

Réformer le FMI signifie renoncer au destructeur « consensus de Washington » et lui retirer le pouvoir de démanteler les politiques publiques qui privilégient l’exercice des droits collectifs (accès à l’eau potable, à la santé, à l’enseignement, à la culture, aux transports, etc.). Cela signifie instaurer une capacité de contrôler et de réguler les flux financiers en associant à la décision tous les États. C’est possible.

Réformer l'OMC, c’est revoir son fonctionnement, les accords qu'elle gère et ses objectifs. Quelques exemples. C’est transformer la règle du consensus implicite (« qui ne dit mot consent ») en obligation de consensus explicite. Cela rendrait impossible à un tiers des États membres d’imposer aux autres le résultat des négociations qu’ils mènent entre eux. C’est réguler les pratiques commerciales des firmes privées et des sociétés transnationales. C’est modifier l’accord sur les brevets pour interdire le brevetage du vivant (qui permet les OGM) et rendre accessibles à tous les médicaments essentiels. C’est modifier l’accord sur les services qui démantèle les services publics. C’est réguler le libre échange en agriculture qui détruit le travail et la vie de millions de paysans. C’est protéger l’indépendance politique des peuples si imparfaitement acquise. Tout cela est possible et demandé par les deux tiers des pays membres de l’OMC.

Mais il faut le vouloir. Jamais, l’Union européenne ne s’est trouvée aux côtés des pays en développement pour appuyer leurs propositions de réforme du FMI et de l’OMC. Jamais. Même pas quand il y avait une majorité de gouvernements sociaux-démocrates. La question essentielle est bien celle de la volonté politique.
Raoul Marc Jennar*

* Docteur en sciences politiques, chercheur à l'unité de recherche, de formation et d'information sur la globalisation (urfig)
NB : Raoul Marc Jennar a été par erreur présenté dans l'ouvrage comme membre d'Oxfam Solidarité. Il a été l'un des chercheurs sur les dossiers de l'OMC pour cette ONG mais ne l'est plus depuis 2005. Ce texte ne peut donc en aucun cas engager Oxfam Solidarité. Nous sommes seuls responsables de cette erreur pour laquelle nous présentons nos excuses auprès de Raoul Marc Jennar et d'Oxfam Solidarité.
Pour l'Autre campagne, Georges Debrégeas et Thomas Lacoste