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>> Citoyenneté et institutions >> Construire la démocratie en repensant la représentation politique >> Pour une réforme courageuse des pouvoirs locaux. A lire aussi dans l'Autre CampagneLIENS UTILES AdCFLIVRES Publications de l’Institut de la décentralisation Pour une réforme courageuse des pouvoirs locaux par Claire Dagnogo* La question des institutions ne semble pas être au cœur des préoccupations des Français. Pourtant, aucun système politique ne peut être tout à fait neutre pour le citoyen qui y évolue et les élus qui le font vivre. Aujourd’hui, l’action publique locale est à ce point complexe et illisible et que seuls les experts et les notables locaux s’y retrouvent. Un seul exemple : en matière de logement, quand la programmation incombe à l’intercommunalité, la construction relève des communes, les aides à la pierre de l’intercommunalité voire des départements par délégation ou de l’Etat, comme toutes les aides à la personne. Le citoyen a-t-il une chance de s’y retrouver ? Toutes les compétences décentralisées sont concernées par ce « partage » empirique – pour ne pas dire cette dilution - des responsabilités. Ajoutons à cela la multiplication des financements croisés, et le tableau est complet : personne ne sait plus qui fait quoi ! Et le système est inefficace. C’est un fait : la décentralisation a échoué à faire émerger de réels pouvoirs locaux. Certaines causes sont anciennes : l’émiettement communal, sanctuarisé par l’octroi en 1982 de pouvoirs démesurés à plus de 36000 maires, notamment en matière d’urbanisme ; le refus de toute tutelle d’une collectivité sur une autre, justifié par la défense des libertés communales, qui fait le lit de superpositions de politiques publiques parfois divergentes sur un même territoire. D’autres causes sont plus récentes. Les objectifs de la réforme engagée en 2003 étaient pourtant prometteurs. Mais en fait de décentralisation, le gouvernement a surtout transféré des charges aux collectivités : la majeure partie du domaine routier aux départements et les TOS aux régions. Et il y a plus grave : s’agissant de l’intercommunalité, cet acte II fut un acte manqué. Malgré la révolution silencieuse [1] en marche, un phénomène intercommunal qui concerne aujourd’hui la quasi-totalité du territoire français et toutes les aires urbaines, le gouvernement et le législateur ont omis d’octroyer à l’intercommunalité les pouvoirs et la légitimité qui lui font défaut. En conséquence, le gouvernement local n’existe toujours pas dans notre pays. L’agglomération ne peut pas s’imposer à ses membres. Sur un même territoire, les maires peuvent encore se livrer concurrence pour les emplois, ou à l’inverse pour refuser logements sociaux ou usines polluantes. Il est et il restera facile pour un maire de faire valoir un « droit d’obstruction », en matière de logement par exemple, puisqu’il est seul détenteur du pouvoir d’urbanisme. Or les professionnels du secteur en conviennent : les politiques d’aménagement foncier, de développement urbain et économique n’ont de sens qu’au niveau d’une l’agglomération. Dans un rapport de 1976 resté célèbre, Olivier Guichard estimait déjà que l’agglomération était l’échelle d’intervention idéale pour l’exercice de ces compétences. Trente ans après, les maires sont encore autant de grains de sable potentiels dans la conduite de politiques publiques d’aménagement, de développement économique, de transport et de logement dont sont pourtant théoriquement responsables les intercommunalités. Quant à la légitimité de l’agglomération, elle est variable. Certaines intercommunalités ont acquis une légitimité locale incontestée, du fait de leur ancienneté ou de la personnalité politique d’un président visionnaire sans autre mandat important. Mais quand elle est présidée par le maire de la ville-centre, l’agglomération est le plus souvent « invisible »… Or le renforcement de sa légitimité, en renforçant son pouvoir, est une autre condition de l’efficacité des politiques publiques qu’elle conduit. Aujourd’hui, les adversaires de l’élection au suffrage universel direct des élus intercommunaux objectent que le suffrage universel indirect (mode de désignation actuel) n’est pas anti-démocratique. C’est vrai. Mais à y regarder de plus près, c’est moins la légitimité des élus qui est en cause, que la manière dont ils prennent leurs décisions. Les conseils communautaires sont la plupart du temps précédés de réunions informelles, les « conseils des maires » qui décident à l’unanimité, des délibérations qu’adoptera le conseil communautaire… en fait de consensus [2], les conseils communautaires entérinent des décisions négociées à l’abri de tous les regards. Est-ce bien transparent ? En outre, les conseils communautaires font, en général, la part belle aux communes périphériques [3]. Certains « pactes communautaires » ont ainsi été scellés au mépris des règles les plus élémentaires de la démocratie. Quelques agglomérations s’enorgueillissent même de fonctionner sur un mode « une commune une voix »… Là encore, est-ce bien démocratique ? Pour donner aux décisions intercommunales une véritable légitimité, il faudra réinventer – ce qui ne veut pas dire anéantir – le pouvoir des maires, au sein d’intercommunalités dotées du statut de collectivité locale à part entière et dont les élus seraient responsables devant les citoyens [4]. L’intercommunalité en effet doit entrer dans une nouvelle ère : celle de la transparence et de la démocratie. C’est à cette condition qu’elle pourra prétendre à exercer, comme la constitution le prévoit désormais, le rôle de chef de file sur son territoire, et ainsi contribuer pleinement à cette œuvre de simplification du système pour laquelle elle est née. Une seule voie possible, dont les modalités pratiques restent à déterminer : il est temps d’obtenir l’élection des présidents des agglomérations au suffrage universel direct. Il faut que les décisions des agglomérations, prises collectivement par des conseils réellement représentatifs de la population, s’imposent à tous les maires, quelle que soit la taille de la commune qu’ils représentent. Il faut enfin que les organes exécutifs des agglomérations rendent des comptes aux citoyens : des compétences aussi importantes que la gestion des déchets, de l’eau, du logement, du transport, ne peuvent plus résider dans les mains d’élus qui ne soient pas directement responsables devant les citoyens. Toucher au pouvoir des maires est encore un sujet tabou. Cette oeuvre s’inscrit pourtant dans un schéma plus global où les régions et les agglomérations, renforcées, seraient en capacité de conduire des politiques publiques efficaces pour nos territoires. Les pouvoirs locaux gagneraient en lisibilité, ils pourraient aussi être représentés dans un Sénat, profondément réformé. Pour cela il faudra que les élus réforment la constitution et acceptent dans une certaine mesure de limiter leur liberté. Rendre plus lisible et efficace l’action publique locale est un enjeu démocratique majeur qui mérite bien ce sacrifice. Claire Dagnogo* * Politiste, spécialiste des politiques publiques de la ville. [1] Expression empruntée à Marc CENSI, président de l’ADCF. [2] Les adversaires de l’élection au suffrage universel direct des élus intercommunaux tiennent aussi beaucoup au « consensus » communautaire. [3] Hors communautés urbaines pour lesquelles la proportionnalité est une obligation légale. Il faut noter ici que la sur-représentation des petites communes a souvent été une condition de leur adhésion au projet intercommunal au moment de la création de l’intercommunalité. [4] Les groupements de communes procèdent des communes, ils ne sont pas des collectivités à part entière. A ce titre, ils ne peuvent être considérés comme des pouvoirs publics tout à fait comme les autres, ce que leur dénient d’ailleurs à ce jour les instances européennes, qui considèrent les intercommunalités à peu de choses près comme les sociétés d’économies mixtes, des regroupements « économiques publics» en quelque sorte. Réaction(s) à cet article 3 Comment globaliser, pour ne pas dire généraliser ? par On / Off le lundi 19 mars 2007 à 17:05 Bonjour,
Comme indiqué, le débat est vaste et englobe de nombreux domaines. L'intercommunalité est basé sur des principes, que chaque entité a ensuite interprété. Il en résulte donc de fortes disparités de l'une à l'autre, d'où notre expérience personnelle assez différente. Je ne prétend donc pas détenir LA vérité. En revanche, ce que je... [ lire la suite ] 2 arbitraire ou illégitime ? par Claire DAGNOGO le samedi 17 mars 2007 à 20:08 Bonsoir,
j'ai apprécié votre réaction, et vous avoue une chose : il me semble bien qu'aux travers que vous dénoncez, je répondrais encore et encore élection au suffrage universel direct... Pourquoi ? Vous parlez d'arbitraire. Ne revenons pas sur le fait qu'une décision peut susciter opposition sans pour autant être arbitraire...Le président de... [ lire la suite ] 1 Comment lutter localement contre l'arbitraire inter-communal ? par On / Off le jeudi 15 mars 2007 à 13:01 Bonjour,
Elu communal, simple conseiller municipal, j'ai la chance d'être des deux bords, puisque représentant de ma commune dans notre intercommunalité. Et là, bien que je partage une partie des constats, je ne peux qu'être étonné de vos convictions : vous souhaitez une élection au suffrage direct du responsable de l'intercommunalité et que... [ lire la suite ] |
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