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>> Politique internationale et enjeux planétaires >> Quelle place dans le paysage international pour l’Europe et la France ? >> Sortir (une bonne fois pour toutes) de la gestion du « pré carré » africain ?
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 Survie

LIVRES
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François-Xavier Noir silence (Les Arènes).
François-Xavier De la Françafrique à la mafiafrique (Tribord).
Mongo Beti La France contre l’Afrique (La Découverte).


 
Pour une réforme de la politique de la France en Afrique
par Association Survie*

 
La France est, avec l’Angleterre, le Portugal et l’Espagne, un des pays européen qui a possédé un empire colonial. Si elle a été la deuxième puissance coloniale, après l’Angleterre, elle a été la première en Afrique. La France est le seul pays qui a n’a jamais renoncé à son Empire. C’est elle qui a mené les guerres coloniales les plus nombreuses et les plus meurtrières, qui a conservé comme partie intégrante de son territoire national des possessions outre-mer, et qui a construit un véritable système néocolonial, militaire, économique, diplomatique, pour maintenir son ancien empire africain sous son contrôle. La question coloniale est l’objet d’un discours mythifié, pour nourrir l’orgueil national. Tout discours critique est stigmatisé. Le silence sur les événements en Afrique est justifié par le prétendu manque d’intérêt de la population française pour ce sujet. Mais quand on voit que la télévision française fait plusieurs jours de reportages sur les élections en Ukraine et ne donne aucune image des élections au Togo, on est bien forcé de constater que c’est la volonté médiatico-politique d’occulter la politique africaine qui est à l’origine de l’indifférence des Français.
Il est communément admis que la politique africaine de la France, comme sa politique étrangère, relève du « domaine réservé » du Chef de l’Etat. C’est une pratique aussi ancienne que la Ve République, au point que nos élus se conduisent comme si ce concept de « domaine réservé » était inscrit dans la Constitution française. Or il ne s’agit là que d’un usage :
Survie demande que la politique africaine de la France soit soumise aux règles  démocratiques, par le contrôle du Parlement. Elle invite les citoyens français à interpeller leurs élus pour qu’ils assument pleinement ce rôle de contrôle.
La France agit en Afrique comme un Etat néo-colonial. L’indépendance des États d’Afrique francophone a été, depuis les années 1960, constamment bafouée au nom de la guerre froide, de la grandeur de la France et de ses intérêts économiques. La France mène toujours en Afrique francophone une politique impérialiste, usant de sa puissance pour maintenir des dictateurs au pouvoir, comme on l’a vu en 2005 lors de la sanglante intronisation de Faure Gnassingbé au Togo, et en 2006 avec la reconduction de Idriss Déby au Tchad, sous la protection de l’armée française, au mépris du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Survie invite le gouvernement français à cesser immédiatement tout soutien officiel et officieux de la France aux régimes qui bafouent les droits humains et l’État de droit.
Le premier objectif est « D’abord ne pas nuire » : il s’agit avant tout de remettre en question les mécanismes qui nuisent à la liberté des peuples africains de choisir leurs gouvernants et leur politique, de disposer de leurs ressources, de se protéger comme ils l’entendent. Il faut donc d’abord repenser les fondements de la coopération.
 Le bilan de cette coopération doit être tiré par un audit, mené par des experts indépendants, sur l’aide publique française au développement et son impact socio-économique et politique sur le développement des pays africains au cours des trois dernières décennies. Ensuite il s’agit d’élaborer une nouvelle politique de coopération fondée sur la lutte contre la pauvreté, la défense des droits humains et l’accès de tous aux biens publics. Enfin on doit mener une réflexion globale sur la politique d’immigration, le droit des migrants et leur apport dans les processus de développement.
Pour renforcer le rôle du Parlement, deuxième objectif, on demande la remise aux Commissions des Affaires étrangères du Sénat et de l’Assemblée nationale, par le Ministère des Affaires étrangères, d’un rapport annuel sur la coopération française en matière culturelle, technique et budgétaire, pouvant faire l’objet d’auditions de responsables politiques, de hauts fonctionnaires, d’organisations non gouvernementales et d’experts.
Il convient d’instaurer un contrôle parlementaire permanent sur la coopération militaire, notamment la formation des forces chargées du maintien de l’ordre, la fourniture d’équipements para-militaires et le positionnement de troupes françaises, et d’exiger un vote préalable à toute intervention militaire à l’étranger. Il faut également un avis conforme du Parlement sur les contrats de ventes ou de fournitures d’équipements militaires de fabrication française (publique ou privée) à destination finale de gouvernements étrangers.
On demande la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’origine de la dette des pays du Sud à l’égard de la France, y compris celle issue des contrats garantis par la COFACE.
Le troisième objectif, la lutte contre l’impunité, demande que soit faite une enquête approfondie sur les crimes coloniaux dans lesquels la France a été directement ou indirectement impliquée (Cameroun, Madagascar, Algérie, Viêt-Nam, etc.) ainsi que sur la nature et le degré de la coopération de la France avec des régimes qui se sont rendus responsables de crimes contre l’humanité ou de génocide (Rwanda, Congo, etc.).
Il faut également intriduire dans le droit français une loi de compétence universelle (à l’instar de l’ex-loi belge).
Il faut une collaboration accrue avec la Cour pénale internationale : coopération, loi d’adaptation, retrait de l’article 124, contribution au fonds de soutien aux victimes.
Il faut également engager la restitution, par la France et par les États européens, des biens mal acquis par les dictateurs aux pays spoliés (décision de la CPI ou des justices nationales).
Pour réformer le dispositif français de coopération au développement, nous demandons l’application, dès 2007, des recommandations du collectif Coordination Sud en matière de transparence des crédits de la mission « APD ». Il est indispensable de
mettre en place un « service diplomatique minimum » et de suspendre  la coopération avec les régimes qui ne procèdent pas d’une élection démocratique ou qui bafouent les droits humains (respect des normes internationales en matière de contrôle électoral et respect des engagements de la Déclaration de Bamako de 2000).
La France doit supprimer ses bases militaires permanentes en Afrique. Il faut examiner le rôle effectif de la France dans les programmes RECAMP et ANAD (Accord de non-agression et d’assistance en matière de défense) et mettre ces dispositifs sous contrôle africain.
Il faut renforcer le dispositif de répression du mercenariat en intégrant, dans la loi du 3 avril 2003, des dispositions relatives à un contrôle strict des sociétés de sécurité privées.
Nous demandons enfin l’adoption et ratification de la Convention cadre sur les Transferts Internationaux d’Armes (dite Traité sur le commerce des armes, « ATT »).
Après des décennies d’une coopération paternaliste qui a vu la vie des peuples africains se détériorer inexorablement, il est temps d’inventer une politique du respect et de la réparation.
Association Survie*

* Association (loi 1901) qui milite en faveur de l'assainissement des relation franco-africaines, de l'accès de tous aux biens publics et contre la banalisation du génocide. www.survie-france.org