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>> Culture et Education >> Promouvoir la création, la production de connaissances et l'accès aux savoirs >> Savoir et culture à l'heure des nouvelles technologies A lire aussi dans l'Autre CampagneLIENS UTILES Homo Numericus, technologies numériques et sociétéLIVRES Aigrain, Philippe, Cause commune : L'information entre bien commun et propriété, Fayard, 2005. Lessig, Lawrence, L'avenir des idées : Le sort des biens communs à l'heure des réseaux numériques, Presses Universitaires de Lyon, 2005. Assurer la diversité culturelle et l'accès aux savoirs à l'ère numérique par Pierre Mounier* C'est le terme de crise qui résume le mieux l'état dans lequel se trouvent aujourd'hui les institutions, les acteurs et les modes de production et de circulation des savoirs. La crise manifeste en l'occurrence l'affrontement devenu paroxystique entre des acteurs, des logiques, des pratiques entrant directement en collision. Les nouvelles technologies ne sont pas un vecteur neutre de la diffusion des savoirs comme on l'a cru pendant très longtemps. Pour tout un ensemble de raisons à la fois techniques et historiques, elles sont porteuses d'une nouvelle configuration culturelle. Plus précisément, elles remettent en cause, par leur simple existence, l'exclusivité ou la domination d'un modèle daté, que l'on caractérise souvent par la notion d'industries culturelles. La logique des industries culturelles repose sur l'inscription généralisée de biens informationnels sur des supports de diffusion matériels faisant l'objet de procédés de reproduction et de diffusion mécanisés. Elle a pour conséquence l'intégration complète des conditions de pratique artistique, éducative, scientifique et même du débat public dans un système économique global qui s'est par ailleurs doté de ses propres règles et autonomisé par rapport aux autres dimensions de la vie sociale. Le propre des nouvelles technologies est de destabiliser cette relation établie par le capitalisme moderne entre la culture et des supports de diffusion assujetis à un mode de production industriel. Le changement induit par la dématérialisation de l'information se manifeste à tous les niveaux : technique, économique, juridique et entraîne l'émergence de nouvelles pratiques culturelles qui viennent heurter de front l'ordre établi par les industries de la culture. Le résultat est connu : l'échange horizontal entre usagers des réseaux peer-to-peer, les pratiques de communication désintermédiarisées, la montée en légitimité et qualité des productions culturelles amateures, mais aussi les chutes de profitabilité touchant des pans entiers des industries culturelles (presse, musique, édition) sont le signe de leur profond affaiblissement au profit d'autre acteurs. Dans ce contexte brouillé et en mouvement, l'action politique doit trouver les moyens d'action pour que les objectifs que l'on souhaite poursuivre en matière culturelle (accès de tous aux savoirs, développement de la diversité culturelle, libre circulation des idées, présence au niveau international) puissent être atteints. Si le souci de l'accès universel aux savoirs conduit naturellement à évoquer ce qu'il est convenu d'appeler la fracture numérique, il faut prendre garde à ne pas se contenter de considérer uniquement l'équipement matériel des familles, mais s'intéresser en priorité aux compétences dont chacun dispose pour en tirer le meilleur profit. Et sur cette question, il est nécessaire de ne pas se contenter des compétences de lecture et de compréhension, comme on le fait souvent, mais aussi de se préoccuper de celles qui permettent de contribuer à la production et à la circulation des savoirs. Cela suppose un aggiornamento radical de la manière dont l'Ecole aborde la question, alors que de récentes études mettent en évidence son absence totale en matière de formation aux usages des nouvelles technologies. Autrement dit, dans un environnement où le modèle cognitif dominant est mieux représenté par une encyclopédie collaborative comme Wikipedia que par une encyclopédie traditionnelle comme Britannica, il est nécessaire non seulement de savoir accéder aux savoirs et les assimiler, mais aussi de savoir en produire, mieux, en co-produire au sein de collectifs informels, et en maîtriser la circulation dans un espace public mondialisé. Mais la question de l'accès universel aux oeuvres culturelles n'est pas épuisée par l'équipement informatique et la formation aux usages. Car les propriétés techniques du document numérique doivent elles aussi faire l'objet d'une attention particulière. L'importance de ce que les économistes appellent les externalités de réseau créent le besoin d'une régulation forte qui empêche un acteur de verrouiller par l'intermédiaire d'un format, d'une système informatique ou d'un protocole de communication un marché sur lequel il est dominant. Plus encore, la mise en place de mécanismes de protection sur les oeuvres, récemment légalisés par le loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information menace considérablement leur libre circulation et réduit à néant les droits du public (à user des oeuvres, à les conserver, à les transmettre) au bénéfice des seuls ayants droit. La loi DADVSI, dont la préparation et l'adoption s'est faite dans des conditions ubuesque constitue un exemple paradigmatique d'une politique sacrifiant l'avenir pour préserver les intérêts ponctuels d'une industrie mourante. Elle doit être abolie dans les meilleurs délais. Les industries qui tirent profit des changements évoqués, sont les fournisseurs d'infrastructures de communication et de services informatiques. Si ces industries proclament une neutralité de principe par rapport aux contenus qu'elles traitent, l'observation de la réalité conduit à un tout autre constat. La montée en puissance de fournisseurs de services d'information grand public comme Google, progressant selon les lignes d'une intégration horizontale d'une multitude de services associés, le développement de fournisseurs d'accès comme Free, progressant par intégration verticale depuis l'installation de réseaux physiques à très haut débit jusqu'à la fourniture de bouquets de services de communication à l'usager, constituent de véritables menaces pour le pluralisme de l'accès aux savoirs et à la culture. Il est nécessaire de mettre en œuvre une politique industrielle qui garantisse le maintien d'une diversité d'acteurs, en particulier en favorisant le développement d'initiatives innovantes et concurrentielles susceptibles d'améliorer l'état d'équilibre de marchés perpétuellement menacés par la formation de monopoles. Pierre Mounier* * Professeur à l’ENS-LSH, Lyon. |
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