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>> Politiques sociales et économiques >> Nouvelles solidarités sociales >> Pas d’Europe sociale sans services publics Pas d’Europe sociale sans services publics par Laurent Pirnay* Les services publics font partie intégrante de notre quotidien, ils nous accompagnent tout au long de notre vie. Bien souvent cependant, l’usager oublie que derrière l’organisation de ces services se cache un modèle de société qui tente de donner tout son sens à la solidarité et à l’égalité. Les services publics permettent à tous les Citoyens, sans distinctions de genre, d’origine, de revenu, de croyance, de satisfaire leurs droits fondamentaux que sont, à titre d’exemple, le droit à la santé, au logement, à l’instruction, à la culture, aux transports, aux télécommunications, à l’énergie. Ces droits fondent la dignité humaine et participent à l’exercice effectif de la citoyenneté. Plaider pour la promotion et le développement de services publics de qualité, socialement efficaces et doté des moyens humains et matériels nécessaires à leur bon fonctionnement n'est pas un combat passéiste et d'arrière garde. Bien au contraire, il s'agit d'une revendication progressiste, humaniste et, d'une manière plus fondamentale encore, d'une exigence démocratique. Bien que faisant partie du modèle social de plusieurs Etats membres, il faut déplorer que les services publics ne sont pas un élément constitutif du modèle social européen qui n’a de cesse que de délégitimer la puissance publique et de démanteler les droits collectifs [1]. La pratique communautaire leurs substitue les concepts flous de services d’intérêt économique général et de services d’intérêt général qui ne sont pas l’équivalent, en jargon communautaire de la notion de service public. C’est la raison pour laquelle il est important de rappeler que les services publics sont plus et mieux que les services d'intérêt (économique) général. Plus car les services publics englobent tous les services indispensables pour mener une vie conforme à la dignité humain. Mieux car ils sont, par l'organisation de la solidarité, autre chose qu'un simple palliatif aux insuffisances du marché. Les SIG font pleinement partie du modèle concurrentiel, leur création étant subordonnée à une éventuelle défaillance du marché, chose assez rare si l’on en croit la Commission qui n’hésite pas à affirmer que« le marché assure habituellement la répartition optimale des ressources au bénéfice de toute la société. Néanmoins, certains SIG ne sont pas entièrement satisfaits par les marchés seuls […]. C’est pourquoi les Autorités publiques ont […] comme responsabilité […] de veiller à ce que les besoins de base […] soient satisfaits ». Ce principe libéral discutable est d’ailleurs inscrit au sein même du Traité. On peut ainsi lire à l’article 98 que : « Les États membres et la Communauté agissent dans le respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant une allocation efficace des ressources ». Il en va de même pour le système européen des banques centrales. Il est dès lors important de procéder à un rééquilibrage des politiques communautaires. Une piste envisageable est l’élaboration d’une directive-cadre en vue de protéger les services publics. Encore faut-il que ce texte offre une véritable alternative au « tout-au-marché ». Quelques pistes pour une directive-cadre L'élaboration d'une directive-cadre sur les services publics, peut être un projet positif et fortement mobilisateur. Cependant, pour être porteuse de changement, la proposition de directive-cadre doit être réaliste, certes, mais surtout ambitieuse. Elle doit également permettre de sortir des ambiguïtés des concepts et, enfin, porter le débat sur les Valeurs. En ce sens, ce projet peut rassembler toutes celles et ceux, à travers l’Union, qui estiment que la dignité humaine ne se marchande pas et que, dès lors, certains services doivent être soustraits de la logique du marché. Ainsi, dans un premier temps il serait opportun que la directive-cadre procède à un renversement des valeurs communautaires en consacrant la primauté de l'intérêt général sur les règles de la concurrence. Primauté qui, si elle est rappelée par la Commission dans son Livre Blanc sur les SIG, est en réalité sans cesse contredite dans la pratique Communautaire. Après, ne faudrait-il pas que les principes que doivent respecter les services publics soient inscrits dans ce texte et trouvent ainsi une reconnaissance légale ? A titre d'exemple, l'égalité des citoyens, la solidarité, la continuité du service, l'accessibilité, le statut des agents sont quelques-unes des règles qui garantissent un bon fonctionnement des services publics il faut, dès lors, qu'elles soient affirmées sans la moindre équivoque. Ensuite, pour être socialement efficaces les services publics doivent bénéficier d'un financement adéquat. C'est pourquoi, les autorités publiques qui organisent ces services doivent être libres de décider de la manière la plus appropriée d'en assurer la viabilité financière. La péréquation tarifaire, en ce qu'elle organise la solidarité (par l'organisation de transferts entre activités rentables et non-rentables) est garante du respect de l'égalité des Citoyens, doit donc être permise. Il importe que les modes de financement soient consacrés dans un texte pour rompre définitivement avec les incertitudes liées à une jurisprudence en constante évolution source d’insécurité juridique. Il s'agit ici de quelques pistes pouvant aider à la réflexion, il y en a d'autres. Plaider pour une directive-cadre en faveur des services publics est une nécessité car il n'y aura pas d'Europe sociale sans des mécanismes de redistribution des richesses performants. Le « tout-au-marché » n'est pas une solution tenable sur le long-terme, des alternatives existent pour rompre radicalement avec les politiques néolibérales. Cependant, il faut garder à l’esprit que cette directive doit permettre de garantir, à tous la fourniture de services essentiels, dans le respect des traditions et pratiques nationales. Il ne faut pas, qu’elle soit le prétexte à une harmonisation européenne qui, compte tenu du rapport de force au sein des institutions communautaires, sera, une fois de plus synonyme de nivellement par le bas. « Vivre c'est ne pas se résigner » disait Albert Camus, il est temps de montrer que nous sommes vivants. Laurent Pirnay* * En charge des dossiers internationaux à l'Interrégionale Wallonne de la Centrale Générale des Services Publics (La CGSP est une Centrale de la Fédération Générale du Travail de Belgique qui est le syndicat socialiste en Belgique). [1] Voir à ce sujet, Corinne Gobin, Les faussaires de l’Europe sociale, Le Monde Diplomatique, Octobre 2005. |
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