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Pour une politique des transports de la vie quotidienne au service du développement durable
par Chantal Duchène*

 
Les transports sont indispensables pour la vie quotidienne mais la prédominance de l’automobile, le plus souvent utilisée en solo, est source d’émissions de gaz à effet de serre, de pollutions atmosphérique et sonore avec des effets importants sur la santé des individus. La faiblesse du coût du transport entraîne un gaspillage de ressources, notamment du pétrole, ressource pourtant en voie d’épuisement. De plus, le tout automobile conjugué à des investissements routiers importants a entraîné un étalement urbain source de ségrégations sociales et spatiales. Dans ce contexte, celui (souvent celle) qui n’a pas accès à l’automobile se voit privé-e de l’accès à l’emploi, à la formation et à toutes les aménités de la ville.

La politique des déplacements de la vie quotidienne doit donc être entièrement repensée. Le droit au transport inscrit dans la loi doit s’accompagner de la responsabilité pour les collectivités territoriales d’organiser un service public de la mobilité durable ayant pour objet d’offrir une alternative crédible à l’usage de la voiture en solo dans les différentes parties du territoire et aux différents moments de la journée et de la semaine. Les collectivités doivent pouvoir organiser et éventuellement financer non seulement les transports collectifs (y compris le transport à la demande) mais aussi les services de vélo, les taxis, l’autopartage, le covoiturage, etc.

Dans les agglomérations, les structures intercommunales (communautés urbaines, communautés d’agglomérations) doivent devenir des autorités organisatrices de l’ensemble des déplacements de personnes et du transport de marchandises, et être des autorités organisatrices du service public de la mobilité durable. Elles doivent avoir compétence pour l’exploitation du système de voirie (notamment la voirie dite rapide), pour l’organisation des transports de marchandises et pour instaurer un péage environnemental si elles le souhaitent. Le stationnement payant de surface doit être décentralisé au niveau intercommunal et dépénalisé. Concernant les alternatives à l’usage de la voiture particulière en solo, les structures intercommunales doivent avoir compétence non seulement sur l’organisation des transports collectifs mais aussi sur les services de vélo, les taxis, l’autopartage et le covoiturage, de façon à offrir en tout point de l’agglomération et à tout moment une alternative crédible à la voiture, en recherchant la complémentarité des différentes alternatives.

Les agglomérations doivent avoir les moyens de leur politique. Afin d’entrer dans un cercle vertueux, ces moyens doivent provenir de taxes sur l’automobile et le transport routier. En effet, le faible coût du transport des personnes et des marchandises (même si les transports représentent 15 % du budget des ménages) et la hausse du coût du foncier dans les zones centrales des agglomérations sont les principales causes de l’étalement urbain, lui-même générateur de ségrégation sociale et territoriale. Il a également d’importantes répercussions au plan social en favorisant les délocalisations d’activité vers des pays à faible coût de la main-d’œuvre, le coût du transport ne rééquilibrant pas la différence de compétitivité.
L’augmentation du coût de l’usage de la voiture peut prendre différentes formes non exclusives les unes des autres : augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers bénéficiant aux autorités organisatrices de déplacements, augmentation du coût du stationnement, péage.

Pour stopper l’étalement urbain, l’argent public doit être utilisé pour peser sur le prix du foncier (par le biais d’agences foncières) dans les zones bien desservies par les transports collectifs, plutôt que pour développer les réseaux routiers. Pour lutter contre la ségrégation sociale et spatiale, la sectorisation scolaire le long des lignes de transport collectif permettrait d’atteindre à la fois les objectifs de proximité et de mixité sociale, la plupart des lignes allant de la périphérie au centre des villes et traversant des quartiers diversifiés.

Les régions doivent également se voir confier la compétence d’organisation de tous les déplacements ferrés et routiers sortant du périmètre des agglomérations. Afin d’éviter l’étalement urbain, c’est au niveau régional (sur le modèle allemand) que devraient être établis les schémas de cohérence territoriale. Les routes ex-nationales confiées par la loi Responsabilités locales du 13 août 2004 aux départements seraient régionalisées afin que les régions mènent des politiques cohérentes en matière d’organisation et de gestion des déplacements. La vitesse maximale sur les routes serait réduite pour diminuer à la fois l’insécurité routière, les émissions de gaz à effet de serre, le bruit et la pollution atmosphérique, et maîtriser l’étalement urbain.
Afin de disposer des moyens financiers pour la mise en œuvre d’une politique de déplacements dynamique, les régions doivent pouvoir instaurer un péage environnemental, sur la base de la directive européenne sur l’eurovignette, permettant de percevoir des péages calculés en fonction de la pollution des véhicules et de la congestion des routes, et d’affecter les recettes ainsi dégagées pour financer les infrastructures de transport alternatif. Elles doivent aussi bénéficier du produit de la vignette qu’il convient de rétablir (sa suppression sous le gouvernement de Lionel Jospin contre l’avis de la ministre de l’environnement de l’époque ayant été une erreur). Ce rétablissement devrait se faire avec une nouvelle approche : son montant serait lié au niveau des émissions de gaz à effet de serre produites afin d’orienter les achats vers les véhicules les moins polluants. Il serait aussi intéressant d’en faire une taxe payée annuellement et non pas seulement à l’achat du véhicule. Par ailleurs il faudrait une taxation sur le kérosène renchérissant le coût des déplacements aériens, les plus consommateurs en hydrocarbures et les plus nocifs en matière de gaz à effet de serre. Cette mesure devrait être prise au niveau européen et mondial pour éviter les distorsions de concurrence.

Enfin à tous les niveaux, il faut diminuer le besoin de déplacements et de transport, synonymes de consommation d’énergie et de temps. Le développement économique et l’aménagement de l’espace doivent être revus sous cette contrainte.
Chantal Duchène*

* Economiste et juriste de droit public, experte en transport, elle a travaillé au CERTU, chef de projet du Plan de déplacements de la région Ile-de-France, membre des Verts, conseillère municipale à Ivry sur Seine, et membre de l’association Femmes en mouvement, les transports au féminin.



Réaction(s) à cet article
1 Redonner du poids aux textes... par Jacquot
le mardi 13 février 2007 à 21:09
La question du déplacement en véhicule motorisé individuel est effectivement très complexe : elle combine un grand nombre de nuisances (pollutions atmosphériques, auditives, visuelles,... et économiques lorsque le système dysfonctionne) et un rôle fondamental dans notre société en ayant accompagné sa construction autour de la notion de vitesse... [ lire la suite ]