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>> Culture et Education >> Nouvelle politique d’enseignement et d’éducation >> L'école face aux inégalités A lire aussi dans l'Autre CampagneLIENS UTILES FCPE Philippe MeirieuLIVRES Fabienne Messica, L'école, comment ça marche édition de La Découverte, 2006. Philippe Meirieu, Du socle commun aux fondamentaux de la citoyenneté, publié par le café pédagogique, 2005. Philippe Meirieu, Quelques principes possibles pour une éducation démocratique, publié par le café pédagogique, 2005. Philippe Meirieu, Repères dans un monde sans repères, éditions Desclée de Brouwer, 2002. Marie Duru-Bellat, L’inflation scolaire, éditions du Seuil, 2006. Jaqueline Caron, Quand revient septembre : guide de la classe participative, éditions la Chenelière, 1997. Des effectifs réduits et moins d’heures de classe pour nos enfants par Fabienne Messica* Depuis les années 60, l’école connaît des évolutions contradictoires caractérisées à la fois par une poussée démocratique et par des formes de ségrégation et de sélection scolaires : mise en place de filières et classes de niveau ou à options aux effets ségrégatifs, ségrégation urbaine, stratégies parentales pour accéder à de meilleurs établissements scolaires. Parallèlement et alors que dans certains quartiers, le chômage des jeunes atteint jusqu’à 50%, la réussite scolaire apparaît comme le seul rempart contre le chômage. Aussi, dès les années soixante-dix, la thématique de l’échec scolaire prend-elle le devant de la scène. Elle donne lieu d’une part à une réflexion sur les pédagogies alternatives (mais sa mise en œuvre reste marginale), d’autre part à une double approche sociale et psychologique. Au plan « social », en 1981 sont créées des Zones d’Education Prioritaires dans les quartiers défavorisés. Les établissements y sont dotés de moyens supplémentaires affectés en partie aux salaires des enseignants dont on espère obtenir une plus grande stabilité mais insuffisants au plan pédagogique. L’approche psychologique se traduit quant à elle dès les années 90 par la montée du thème psychiatrique qui renvoie alors la difficulté à des causalités familiales et individuelles. Elle anticipe la liaison qu’on établit aujourd’hui entre échec scolaire et délinquance et supplante peu à peu l’approche territoriale. Cette nouvelle orientation « individualiste » s’explique par la stagnation de la réduction des inégalités scolaires. En outre, au fur et à mesure qu’on avance dans la scolarité, les inégalités se reportent sur l’accès aux filières : l’orientation et la durée des études reproduisent la sélection induite par l’origine sociale mais aussi par l’origine ethnique et le genre et ce, à résultats scolaires égaux. Les stratégies parentales pour améliorer le cursus scolaire des enfants ne profitent qu’à la catégorie la plus favorisée. La large majorité des 30% de parents qui contournent la carte scolaire est en effet composée d’enseignants ou de cadres. Enfin, les filières scientifiques les plus valorisées sont réservées à une élite sociale et scolaire. Elles restent fermées pour de multiples raisons (nécessités économiques, jeux des représentations entre élèves, enseignants et parents) aux bons élèves d’origine modeste. On assiste au passage d’un processus statique de reproduction des inégalités à un processus dynamique, les élites n’ayant de cesse de « monter » (augmentation de la sélectivité et de la durée des études) en sorte que toute progression dans la scolarité des couches sociales inférieures est aussitôt absorbée. En 2005 sont mis en place les programmes dits de « réussite éducative » (loi de cohésion sociale). Ils proposent une approche individuelle et globale de la difficulté par le biais d’un dispositif de prise en charge piloté par les villes en étroite collaboration avec l’Education Nationale. Or, l’individualisation construite à partir de l’échec scolaire est porteuse de nombreuses dérives : culpabilisation massive des parents, retour à un déterminisme qui associe échec scolaire et délinquance et à des méthodes de dressage et d’éviction des éléments perturbateurs. Elle s’effectue en outre dans un contexte de semi-libéralisation – un élève sur deux scolarisé dans le privé, des lycées qui recrutent, non dans leur aire géographique mais sur livrets scolaires – alliée à la fossilisation de l’institution (mise en cause des pédagogies alternatives et de la démocratisation, retour aux punitions collectives, création des notes de comportement, crispation sur une conception sclérosée de la laïcité) qui mine le service public d'éducation. Si ces tendances se confirment, l’école publique sera bientôt spécialisée dans la prise en charge des élèves en difficulté, tandis que la performance sera dévolue au privé et à quelques établissements publics d’élite. Pour contrer de telles évolutions, il conviendrait d’inverser le regard qu’on porte sur l’échec : au lieu de se focaliser sur les causes personnelles des difficultés, se demander ce que l’inadaptation scolaire nous apprend sur l’école ; au lieu de déplorer la « démission » parentale, réfléchir à la manière dont on prétend informer ou associer parents et élèves ; au lieu de chercher un coupable (les parents, l’école, la télé, le quartier), interroger les interactions entre l’école, les éducateurs en général, les parents, les quartiers et les élèves ; enfin, substituer à la logique d’accumulation des savoirs perçus de manière purement instrumentale, une logique qualitative. Pour cela, plusieurs pistes existent : créer les conditions d’une bonne scolarisation à deux ans puisqu’on la sait profitable aux enfants de milieu socialement défavorisés ; en élémentaire, revoir entièrement l’organisation de la journée sachant que les enfants ne sont pas réceptifs aux enseignements à certaines heures ; réintroduire dès la petite enfance la philosophie dans son sens premier (étude de notions et pratique du dialogue) pour que l’école soit aussi lieu d’apprentissage de la démocratie. Au collège, il faudrait revoir de fond en comble les programmes scolaires en se demandant qu’est-ce qui fait sens et permet d’établir un pont entre les disciplines, bref, sortir des logiques disciplinaires. On pourrait réfléchir à l’éventualité d’une réduction du nombre d’heures de cours – les journées sont trop longues et pas assez profitables – et diviser en deux la taille des classes pour que le temps réservé à l’apprentissage soit à la fois plus court et plus efficace (classes mixtes de 15 à 18 élèves maximum, dans lesquelles les différences de niveaux et les problèmes disciplinaires peuvent être gérés beaucoup plus aisément). Avec les heures dégagées, on pourrait ouvrir un large accès à la culture, aux arts et aux sports. Une place devrait être réservée dans l’enseignement au monde contemporain, aux enjeux, aux débats actuels pour aider à se situer dans ce monde et cette société. Enfin, il faudrait repenser totalement la question de l’orientation – trop précoce – et les critères d’admission dans des filières ou écoles spécialisées. Ces derniers sont fondés sur le niveau scolaire dans des disciplines totalement étrangères aux formations visées et non sur les compétences de l’élève dans le domaine concerné. En matière de vie scolaire, il faudrait prévoir pour les professeurs des heures de permanence pour recevoir les élèves et parents ; introduire la notion de porte ouverte au dialogue à tous les niveaux permettrait de renouer le lien entre enseignants et élèves. Enfin, s’agissant de la sectorisation et des établissements en difficulté, il faudrait y augmenter significativement le nombre de postes et, en développant l’offre pédagogique adéquate, leur rendre leur attractivité. La même sectorisation devrait s’appliquer aux établissements privés sous contrats afin qu’ils ne puissent plus choisir leurs élèves en fonction des résultats scolaires. Bien d’autres pistes sont bien sûr à explorer. Plutôt qu’à l’élève en échec, c’est en effet à la fabrique de l’échec qu’il faut s’attaquer. Sans tergiverser. Fabienne Messica* * Consultante et journaliste, elle travaille particulièrement sur les projets éducatifs et sur la famille, elle est l’auteur de L'école, comment ça marche édition de La Découverte, 2006 et membre de la FCPE. Réaction(s) à cet article 2 le contrat pédagogique par brigitte le lundi 26 février 2007 à 14:02 Une des questions intéressante de votre propos, est de comprendre pourquoi ceux qui sont le mieux formés par l'école publique ou privée :cadres, et enseignants par exemple n'en sont pas les meilleurs acteurs, les promoteurs les plus motivés?
Je m'interroge personnelement sur la volonté et la capacité à agir sur, et dans leur outil de travail ,... [ lire la suite ] 1 Quelque remarques par colombani le mardi 09 janvier 2007 à 15:03 - Il est écrit : "Pour cela, plusieurs pistes existent : créer les conditions d’une bonne scolarisation à deux ans puisqu’on la sait profitable aux enfants de milieu socialement défavorisés" Je pense qu'une note de bas page renvoyant à une étude où un ouvrage faisant autorité serait des plus bienvenues car justement, en ce qui concerne la... [ lire la suite ] |
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