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>> Citoyenneté et institutions >> Construire la démocratie en repensant la représentation politique >> La responsabilité au sommet de l’Etat : pour un Régime primoministériel Supprimer l’élection du Président de la République au suffrage universel Pourquoi il le faut, comment on le peut par Thomas Heams* Longtemps la stabilité de la Cinquième République a été mise en avant pour en justifier toutes les facettes institutionnelles, notamment la plus symbolique, celle de la toute puissance du président de la République. Les contempteurs historiques de nos institutions sont passés par pertes et profits, soit que leur voix courageuse, comme celle de Pierre Mendès-France se soit tue sans qu’ils aient pu être en situation de changer les choses, soit qu’ils se soient moulés à l’extrême, tels François Mitterrand, dans cela même qu’ils avaient dénoncé avec talent. Mais que reprocher, au juste, à cette élection phare ? Nous lui ferons, ici, deux reproches principaux. Le premier c’est, paradoxalement, son archaïsme. En effet, cette élection donne une parure démocratique et faussement moderne à une réminiscence monarchique profondément rétrograde : celle d’un homme seul et providentiel, investi d’un pouvoir exorbitant, en dehors de tout principe de responsabilité et de contrôle. En conséquence, le peuple est convoqué périodiquement à une formidable bataille d’égos qui prend l’apparence d’une campagne mais n’est, dans les faits, que l’occasion d’une dramatisation de thèmes de racoleurs, d’un florilège de promesses pathétiques ou dangereuses et d’une hystérisation du débat démocratique par une personnalisation caricaturale et infantilisante des enjeux. Cette élection directe, soi-disant au dessus des partis, mais dans les faits bien encadrée par eux, est aussi en filigrane une critique permanente de la démocratie représentative. Dans l’illusion d’un rapport immédiat entre un chef et son peuple, il y a toujours l’expression discrète d’une défiance face à cet intermédiaire qu’est le Parlement. Les autres pays européens l’ont bien compris, qui, tous, ont choisi de faire des législatives leur rendez vous électoral fondamental. Intrinsèquement, ces élections collectives sont le lieu légitime d’une discussion « programme contre programme », permettant bien évidemment de faire des choix plus éclairés que quand l’essentiel d’une campagne a consisté a savoir qui était « usé » ou qui était « naïf ». Enfin précision importante, ces élections collectives n’empêchent pas des destins individuels de s’accomplir, puisqu’il en sort aussi un chef de l’exécutif, le Premier ministre, chef de la majorité, et responsable devant le Parlement. Le second reproche, c’est la dilution du principe de responsabilité. Les institutions, il est vrai, ne sont pas absolument rigides et c’est l’apparition du phénomène de cohabitation qui a révélé à quel point la Présidence de la république est protéiforme. Dans les phases de cohabitation, le Premier ministre, a la légitimité la plus forte et gouverne, mais le Président conserve son pouvoir de nuisance, induisant une tension permanente au sommet de l’Etat, propice pour chaque tête de l’exécutif à se défausser sur l’autre dans l’échec ou à revendiquer l’exclusivité des succès, habituant l’électorat à une vision cynique du pouvoir. Quand majorité parlementaire et présidentielle concordent, le premier ministre est au mieux un aide de camp malléable, et au pire, et bien souvent, un dauphin dangereux. Il y a donc bien concurrence, et non pas équilibre des pouvoirs au sommet de l’Etat, là où tout devrait concourir à la clarté et l’efficacité dans l’exercice des responsabilités. Au lieu de cela, la confusion règne et se diffuse, ébranlant toujours plus les électeurs dans leur confiance accordée à leurs dirigeants. La encore, il parait simple de ne vouloir qu’un seul chef de l’exécutif. Pour les raisons évoquées plus haut, la simplicité et l’efficacité plaident en faveur d’un seul chef de l’exécutif. Parce qu’il dirige le Gouvernement au quotidien, parce qu’il doit rendre compte de sa politique devant le Parlement, ce chef doit être le Premier ministre. Revenir sur l’élection du président de la République au Suffrage universel direct, et donc lui retirer l’essentiel de ses pouvoirs, c’est donc aller dans le sens d’une réorganisation des pouvoir publics autour du principe de responsabilité, c’est refuser les chimères des hommes providentiels, c’est enfin se rapprocher des standards européens, tant il est vrai que l’on est pas obligé d’être indéfiniment persuadé d’avoir raison contre tous nos voisins. C’est donc un acte de revivification démocratique. Cette mesure institutionnelle n’aurait bien sûr pas de sens prise isolément. Elle va de pair avec une vague de propositions, qui vont de la revalorisation du rôle du parlement à l’instauration d’un mandat unique, en passant par toute une série de modalités. On oppose souvent à cette proposition son infaisabilité. Les électeurs seraient, d’une part, rétifs à ce qu’on leur reprenne cet « acquis démocratique ». L’argument, à y regarder de plus près, ne manque ni de sel, ni de condescendance. Quant on voit les taux sans cesse croissants de l’abstention aux élections présidentielles successives, et qui ont culminé, en 2002, avec les conséquences que l’on sait, on est en droit de s’interroger sérieusement sur ce présumé attachement. Par ailleurs, quelle capitulation, si on nous concède que sur le fond cette mesure serait nécessaire, que de prétendre que les Français ne seraient pas capables de la comprendre ! Il serait par ailleurs improbable d’imaginer un candidat à la présidentielle expliquer que sont programme est de supprimer la fonction qu’il brigue. Cet argument est certainement le plus fort, mais il convient ici d’y apporter quelques exemples de solution. Pourquoi ne pas envisager qu’un candidat courageux, attendu par les Français, annoncerait, à la veille de l’élection présidentielle, sa candidature… à Matignon ! Il proposerait aux électeurs de voter pour un président symbolique, une autorité morale (telle une Simone Veil, un Jacques Delors) qui s’engagerait à son tour à le nommer Premier Ministre à ne pas interférer sur son pouvoir, le temps qu’une modification constitutionnelle soit rédigée et votée. Une autre hypothèse, plus progressive, serait de maintenir un temps l’élection au suffrage universel direct, mais de profiter d’un quinquennat pour transférer l’essentiel des pouvoirs au premier ministre par un référendum constituant, et de constater rapidement que l’élection présidentielle sous sa forme actuelle, est dénuée d’enjeu et ne mérite plus cette mobilisation nationale. On pourrait décliner ces propositions, ou les nuancer. Elle ne servent qu’a fournir un cadre et prouver qu’avec de la volonté et du respect pour les électeurs, il n’y a pas de fatalité à rester prisonnier d’un système à bout de souffle. Le courage aujourd’hui consiste à établir le diagnostic. Le remède serait, alors, à portée de main. Thomas Heams* * Administrateur de la C6R-Paris. Réaction(s) à cet article 5 une limite : que devient le pouvoir de dissolution? par Pierre le mardi 06 mars 2007 à 17:05 Cette proposition me parait excellente mais il me semble que c'est en allant un peu plus loin dans le résonnement qu'un problème se pose. La définition du régime parlementaire est la dépendance organique ce qui signifie qu'il y a responsabilité du gouvernement devant l'assemblée Nationale, mais aussi une capacité de l'exécutif à renverser... [ lire la suite ] 4 Que faire? par Roger Monjo le vendredi 02 mars 2007 à 09:09 Le choc de 2002, c'est-à-dire, en réalité, moins la menace représentée par la présence de l'extrême-droite au second tour (car J-M Le Pen ne sera jamais président de la République et n'a jamais eu aucune chance de l'être) que le score plébiscitaire et bien peu républicain de J. Chirac (même De Gaulle n'était jamais parvenu à de tels sommets) qui... [ lire la suite ] 3 Réponse de l'auteur Réponses à vos réactions par Thomas Heams le mardi 20 février 2007 à 16:04 Merci à Patrick May et à Maxime pour leur réactions.
A propos de la proposition de Patrick May sur le renforcement de la fonction présidentielle. Je suis, et c'est aussi la position de la C6R, opposé à cette option alternative. Mais cela est aussi l'occasion de rappeler que ce n'est pas parce que nous proposons l'approche primoministérielle... [ lire la suite ] 2 Pas convainquant par Maxime le mercredi 14 février 2007 à 13:01 Trois reproches à cette analyse.
1. La proposition est purement théorique. Elle néglige le contexte historique français dans lequel sont apparues à la fois l’élection du Président au suffrage universel et la constitution de la Ve République : la nécessité d’une synthèse de l’Ancien régime et de la Révolution, qui a enfin réconcilié deux France... [ lire la suite ] 1 Rééquilibrage des pouvoirs par Patrick May le mardi 13 février 2007 à 07:07 Votre article souligne avec beaucoup de pertinence la dévaluation de la fonction présidentielle, tantôt rognée par les cohabitations, tantôt adulée par un dauphin.
Il me semble que le Général De Gaulle n'avait pas voulu cela. C'est la faiblesse des marquis qui lui ont succédé qui a amené cette dévaluation. Alors, revaloriser la fonction... [ lire la suite ] |
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