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>> Citoyenneté et institutions >> Mettre en œuvre une autre politique de la sexualité et des libertés sexuelles et repenser les politiques familiales >> Liberté et égalité devant la parenté A lire aussi dans l'Autre CampagneLIENS UTILES L’Homme, n°175-176LIVRES Michel Foucault, « Le triomphe social du plaisir sexuel » (1981), in Dits et écrits II, 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001, p. 1128-1129. Jean-Pierre Baud, L’affaire de la main volée. Une histoire juridique du corps, Paris, Seuil, 1993. Dominique Memmi, Les gardiens du corps. Dix ans de magistère bioéthique, Paris, Éd. de l’EHESS, 1996. Marcela Iacub, L’Empire du ventre. Pour une autre histoire de la maternité, Paris, Fayard, 2004. Yan Thomas, « Les artifices de la vérité en droit commun médiéval », in « Vérités de la fiction », L’Homme, n°175-176, automne 2005. Anne Cadoret, Martine Gross, Caroline Mécary, Bruno Perreau (dir.), Homoparentalités. Approches scientifiques et politiques, Paris, PUF, 2006. Liberté et égalité devant la parenté La chair et son histoire par Bruno Perreau* Dans les systèmes juridiques occidentaux, la filiation est un acte de volonté. Cet acte résulte nécessairement d’une fécondation mais n’en demeure pas moins distinct. Il peut s’appuyer sur des faits « biologiques » (accouchement, test de paternité) et/ou sur des faits « sociaux » (reconnaissance, possession d’état), mais toujours conserve-t-il son caractère conventionnel. Les dispositifs qui déconnectent partiellement ou totalement fécondation et filiation (accouchement sous X, adoption, monoparenté, pluriparenté, homoparenté) donnent à voir cette construction : ils rappellent que le droit n’est pas la traduction d’un ordre transcendantal mais une politique couronnée de succès, à même d’encadrer toutes sortes de configuration sociale. L’adoption par exemple, qui peut être, aux termes de la loi du 11 juillet 1966, plénière (substitution de la filiation adoptive à la filiation d’origine) ou simple (addition des deux filiations), réalisée par un couple marié ou par un/e célibataire, permet d’avoir juridiquement, un, deux, trois ou quatre parents ! Le droit est donc bien une fiction qui combine narration, croyance et performativité, mais une fiction qui ne fait écho à aucune vérité. C’est précisément ce caractère autoréférentiel des normes juridiques que le législateur et le juge semblent avoir du mal à assumer. La loi bioéthique du 29 juillet 1994 réserve la Procréation Médicalement Assistée aux couples hétérosexuels mariés ou vivant en concubinage depuis plus de deux ans et interdit, par ailleurs, la gestation pour autrui (le ventre étant défini comme un élément de l’indisponibilité des personnes qui ne peuvent disposer librement de leur statut juridique). Même le possible effacement du fait biologique est désormais moins un signe de radicalité du droit que de ses difficultés à se légitimer en dehors de toute explication naturaliste : un accouchement sous X est un accouchement qui n’a jamais eu lieu, au point que l’on peut considérer ce régime juridique analogue à celui des avortements tardifs (la femme n’ayant pas à consentir à l’abandon de l’enfant et devant prendre sa décision d’accoucher sous X avant que l’enfant ne soit séparé de son corps). De même, en cas d’adoption plénière, l’état civil de l’enfant est réécrit « comme si » il était né de son/ses parent/s adoptif/s. Même quand le droit dissocie procréation et filiation, les apparences biologiques doivent donc être sauves ! Certains militants, au sein notamment de la Coordination des Associations au Droit à la Connaissance de ses Origines, mais aussi, de façon plus surprenante, au sein de l’Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens, souhaitent même aller plus loin : reconnaître aux gamètes une « identité » dans la vie de l’enfant (l’APGL propose de créer un livret de l’enfant) rompant ainsi avec la logique de l’accouchement sous X et l’anonymat du don de sperme et d’ovocytes. Dès lors, les pratiques des services de l’Aide Sociale à l’Enfance en matière d’agrément ou celles des Organismes Autorisés pour l’Adoption (intermédiaires en matière d’adoption internationale), dont la majorité d’entre eux écartent déjà systématiquement les candidats célibataires, sanctifieront d’autant plus le rôle fondamental de la différence des sexes que la connaissance de l’engendrement sera présentée, en droit, comme une condition sine qua non du bon développement de l’enfant. D’ores et déjà, la délivrance de l’agrément en vue d’adoption est sous le coup de la jurisprudence du Conseil d’État qui exige des candidat/es célibataires qu’ils reconnaissent explicitement le primat de la bonne distinction des rôles paternel et maternel (distinction dont le Conseil a estimé les homosexuel/les incapables par deux arrêts du 9 octobre 1996 et du 5 juin 2002). Sans un travail critique des normes de genre, la reconnaissance de l’homoparenté pourrait constituer une victoire à la Pyrrhus pour l’ensemble des non-alignés sur la famille PME (père-mère-enfant) ! Pour les enfants, l’information sur les origines peut concourir à créer du lien avec leurs géniteurs mais aussi à ne pas en créer. Il en va de même pour l’absence d’information, facteur ou non de liens fantasmatiques. La chair est donc toujours porteuse de sens, mais ce sens ne saurait être donné a priori et s’imposer contre la volonté des géniteurs. Le corps est avant tout perçu et parlé : il faut composer avec la contingence de la naissance et produire son héritage. Dans le cas contraire, que faudrait-il considérer comme constitutif d’une « identité » héritée ? Les gamètes ? Un don d’organe ? Le lait maternel ? Un tel quadrillage du vivant ne serait pas sans rappeler les débats canoniques sur le lieu présumé de l’âme ! Si l’on examine les travaux parlementaires sur la filiation depuis quarante ans, jamais la liberté de procréer n’est parvenue à constituer un axe des débats. C’est cette liberté qu’il est grand temps de reconnaître ! Le droit dispose d’un mécanisme tout à fait adapté en l’article 1128 du Code civil : il permettrait d’affirmer que le corps est une chose, chose dont nous détenons la propriété et la jouissance et qui se trouve protégée en tant que telle, comme le proposait Jean-Pierre Baud dès 1993. Cette modification principielle ouvrirait ainsi la voie à une philosophie volontariste de la filiation qui pourrait être ensuite complétée par l’élimination de toutes les discriminations, en raison de la situation matrimoniale, du nombre et de la sexualité des parents : suppression de la condition d’hétérosexualité et de non célibat dans le cadre de la PMA (articles L 152-2, L 1244-3, L 2241-1 du Code de la santé publique, L 511-22 du Code pénal) ; ouverture de l’adoption aux concubin/es, pacsé/es et aux parents multiples (articles 343, 346 du Code civil) ; contrôle, par voie décrétale, des conditions imposées par les OAA ; ouverture de la maternité pour autrui (articles 16-6, 16-7 du Code civil, 227-12, 227-13 du Code pénal) ; possibilité d’une présomption de parenté (articles 311, 312 du Code civil) ; remplacement des références faites distinctement aux père et mère de l’enfant au profit du terme de parent/s ; enfin, ouverture du mariage aux personnes du même sexe (articles 75, 144 du Code civil). Il s’agirait ainsi d’inventer ce que Foucault appelait jadis de ses vœux : un dispositif juridique à la fois protéique et mobile, au service d’un « monde relationnellement riche ». Bruno Perreau* * Politiste, chargé de conférences à Sciences Po, membre du CRPS (Université Paris I). Réaction(s) à cet article 3 Révisons les lois bioéthiques par Association CLARA le mardi 01 mai 2007 à 11:11 Nous sommes tout à fait d'accord avec vos constats. Le débat politique sur les lois bioéthiques n'a pas eu lieu, et depuis 20 ans la place publique est squattée par une fraction conservatrice. Pourtant, notre droit aurait besoin d'être nettoyé de ses fictions et de ses héritages religieux. Mariage, sexualité et parenté ne sont pas une sainte... [ lire la suite ] 2 mise en cause de l'APGL par Association APGL le jeudi 19 avril 2007 à 13:01 l'APGL a longuement répondu à la critique qui lui est faite. On trouvera cette réponse à la suite de l'article de Daniel Borrillo:
HOMOPARENTE ET ORIGINES BIOLOGIQUES par Marie-Pierre MICOUD* et Martine GROSS** [ lire la suite ] 1 Au XVIIe, les aveugles dissertaient des couleurs, au XXe les mecs décident de ce qu'est un enfantement.... par MIALANE Michèle le samedi 10 février 2007 à 19:07 Très cher Monsieur Perreau,
Ainsi donc le corps serait " une chose, chose dont nous détenons la propriété et la jouissance et qui se trouve protégée en tant que telle, comme le proposait Jean-Pierre Baud dès 1993. " "Vivat, vivat, cent fois vivat, Novus doctor, qui tam bene parlat!" Désolée, mais mon corps n'est pas une chose que je... [ lire la suite ] |
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