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>> Politiques sociales et économiques >> Santé >> Quelle prise en charge pour les malades mentaux ?
A lire aussi dans l'Autre Campagne

LIENS UTILES
www.serpsy.org
psychiatriinfirmiere.free.fr
Fédération Nationale des (ex)patients en psychiatrie (FNAP-PSY)
Union Nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM)

LIVRES
Le livre blanc des partenaires de santé mentale France : pour une association d’usagers de la psychiatrie, de soignants, et de responsables du social dans  la cité, Editions de Santé, 2001.
« Le secteur », Recherche, n°17, 1975.
Coupechoux P., Un monde de fous. Comment notre société maltraite ses malades mentaux, Paris, Seuil, 2006.
Castel R., La gestion des risques. De l’anti-psychiatrie à l’après-psychanalyse, Paris, Éditions de minuit, coll. Le sens commun, 1981.
Gauchet M. et G. Swain, La Pratique de l’esprit humain, Paris, Gallimard, 1980.
Foucault M., 1971, Histoire de la folie à l’âge classique, nouvelle édition, Paris, 10/18, (1ère éd. Plon, 1961).


 
Pour un accueil et un accompagnement diversifiés des malades psychiques dans la cité
Assumer une véritable politique de secteur
par Delphine Moreau*

 
La « folie » apparaît aujourd’hui dans les journaux sous la forme de faits divers sanglants, qui, si rares soient-ils n’impressionnent pas moins les esprits, renforçant l’association violence-maladie mentale. Les études ont beau montrer qu’il n’y a pas plus d’actes violents commis par des personnes identifiées comme malades psychiques que par celles dites « saines d’esprit », le dernier projet de loi portant sur la « prévention de la délinquance » comporte plusieurs articles sur les personnes hospitalisées sous contrainte en psychiatrie. La tentation semble grande de mener une politique entièrement ordonnée autour de la peur de ces faits graves et rares et de privilégier la « sécurité publique » illusoire d’une population majoritaire, qui se croit épargnée, sur les libertés, l’accès aux soins et l’accompagnement social des personnes atteintes de troubles psychiques. Pourquoi illusoire ? Parce que sauf au prix de transgressions massives des libertés élémentaires, sauf à enfermer toute personne soupçonnée d’être mentalement affectée ou à lui imposer des traitements obligatoires au long terme, et sans doute même à ce prix, il est douteux que tout aléa puisse être empêché, tandis que le surcroît de contrôle risque d’avoir l’effet inverse : augmenter les tensions autour des malades d’une façon peu susceptible d’améliorer leur état.
Le nombre d’hospitalisations sous contrainte a augmenté de façon massive depuis 1990, date de la loi qui les régit, même si sa proportion au sein du nombre total d’hospitalisations en psychiatrie s’est accrue plus faiblement. L’interprétation de ces chiffres fait débat : on peut s’inquiéter de la possibilité d’abus, y lire la montée d’une intolérance sociale, interroger l’organisation du système de prise en charge psychiatrique en France (en notant la disparité des chiffres entre les départements) et poser la question notamment de la réduction des temps de séjour et de l’absence éventuelle d’un réseau d’accueil de jour suffisant, obligeant à des hospitalisations multipliées, et/ou l’imputer au fait que le champ de la psychiatrie est confrontée à des questions nouvelles comme les toxico-dépendances ou l’accueil des souffrances sociales.
Le risque est d’assister aujourd’hui à la coexistence paradoxale d’une forme d’« abandon » des malades psychiques, d’indifférence à leur sort à travers le délaissement de la psychiatrie publique, et d’une augmentation de l’usage de la contrainte face à des troubles peu tolérés, avec l’hospitalisation psychiatrique comme unique réponse pour des personnes identifiées comme malades psychiques. Cela induisant le cercle vicieux de retards d’accès au soin pour beaucoup et une prise en charge initiées non par des prises de contact engagées lors de la (ré)apparition de troubles mais lors de grandes crises où le seul recours est alors l’usage de la force.

Mais il ne s’agit pas de se contenter d’opposer les « libertés » au « contrôle », si par le « respect des libertés » on n’entend qu’une déshospitalisation sans accompagnement dans la cité ou suivie d’une prise en charge réduite au renouvellement des prescriptions. Les politiques de désinstitutionnalisation menées depuis la seconde guerre mondiale ont effectivement eu pour conséquence de vider les asiles ; le territoire a été découpé en secteurs de façon à permettre un suivi de proximité hors de l’hôpital (circulaire du 15 mars 1960, loi du 31 décembre 1985). Mais tandis que les durées d’hospitalisation étaient réduites et les « lits » (places à l’hôpital) fermés [1] – ces dernières années sous la pression de contraintes budgétaires plutôt que sous l’effet d’une volonté politique d’insertion des malades dans la cité – les structures d’accueil et de prise en charge de jour ont été très inégalement et très insuffisamment développées. Les disparités entre les territoires sont très importantes et l’offre des structures d’accueil et de suivi alternatives à l’hospitalisation est souvent très dépendante de la volonté d’équipes de secteurs. L’hôpital est aujourd’hui réservé à la « gestion des crises » et à la mise en place de traitements tout en restant le pivot de la prise en charge psychiatrique malgré le projet de recentrer les soins et l’accueil dans la communauté. Quelle place est alors donnée à la prévention des troubles et à l’accompagnement des malades psychiques au sein de la cité qui étaient au cœur de l’ambition de la politique de secteur ?

Les situations des personnes souffrant de troubles psychiques sont très diverses. Certaines pourront vivre dans des logements autonomes avec parfois des aides ponctuelles, encore faut-il qu’elles aient les moyens de payer un loyer et que l’intervention ponctuelle à leur domicile soit possible avant qu’un incident ne fasse s’envenimer une situation conduisant à l’expulsion et parfois à la rue ; d’autres auront besoin d’un accompagnement plus important, dans des foyers, des appartements thérapeutiques ou des familles d’accueil. Il arrive que des hospitalisations soient prolongées faute de solution d’accueil à leur suite, ou interrompues malgré cette absence de solution. L’hébergement est une question cruciale parmi d’autres : trouver ou retrouver une activité salariée pour ceux qui le peuvent, éventuellement aménagée et adaptée à leurs capacités ; avoir des espaces d’accueil, de socialisation, d’information, d’accompagnement dans les démarches administratives. Il n’est pas possible de se décharger de cet accompagnement sur les familles, qui sont souvent en première ligne face aux troubles. Celles-ci sont généralement isolées face aux difficultés sociales, économiques et relationnelles que ces troubles entraînent. Sont-elles d’ailleurs toujours l’environnement favorable à l’amélioration des troubles ? Le recours croissant aux solidarités privées est une conséquence du désengagement collectif face aux problèmes sociaux, la psychiatrie n’en est qu’un exemple. Que se passe-t-il quand les familles sont absentes ou qu’elles n’ont pas les moyens d’aider leur proches ? Cela ne peut conduire qu’à une inégalité supplémentaire dans la prise en charge des troubles.
Il existe actuellement une diversité de structures d’hébergement, de lieux permettant des activités, l’accueil des urgences, de consultations, tout n’est pas à inventer. Mais ces structures sont en nombre très insuffisant, elles n’existent pas dans tous les secteurs et la liste d’attente est souvent longue. Il n’est pas possible de penser l’accompagnement des malades psychiques uniquement comme prise en charge médicale-médicamenteuse : il est nécessaire de développer partout sur le territoire ces dispositifs diversifiés permettant l’accueil et l’accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques dans la cité.
Delphine Moreau*

* Doctorante en sociologie à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Sa thèse porte sur le parcours des personnes hospitalisées sans consentement en psychiatrie.

[1] Un lit sur sept fermé entre 1997 et 2003, tandis que le nombre de patients consultants en psychiatrie augmentait de 50% entre 1991 et 2003 – ce qui ne peut être analysé comme un simple report de l’hospitalisation complète sur la consultation en ambulatoire.


Réaction(s) à cet article
1 “Avis de tempête” par Philippe Godin
le jeudi 22 février 2007 à 06:06
Bonjour


“Avis de tempête” sur l’atelier du Non-Faire.Ce lieu de résistance à la “pauvreté” du traitement psychiatrique de la maladie mentale, est aujourd’hui menacé de fermeture.
Je me permets de faire l’intercesseur auprès de vous, pour vous informer que l’équipe soignante, à l’origine de ce site originale , ( en marge de l’art-thérapie et... [ lire la suite ]