L'autre campagne L'Autre campagne Michel Herreria
Retour à l'accueil

Les réactions à "Pour un accueil et un accompagnement diversifiés des malades psychiques dans la cité"par Delphine Moreau

1 “Avis de tempête” par Philippe Godin
le jeudi 22 février 2007 à 06:06
Bonjour


“Avis de tempête” sur l’atelier du Non-Faire.Ce lieu de résistance à la “pauvreté” du traitement psychiatrique de la maladie mentale, est aujourd’hui menacé de fermeture.
Je me permets de faire l’intercesseur auprès de vous, pour vous informer que l’équipe soignante, à l’origine de ce site originale , ( en marge de l’art-thérapie et autres expérimentations de soins dans le domaine du traitement de la maladie dite mentale..) est à la recherche de soutiens; de voix, qui auront la capacité de peser face aux violentes menaces actuelles contre ce genre d’institutions.

Au préalable, je tiens à m’excuser de la présentation désordonnée et incomplète de ce mail.
C’est, en fait, pour deux raisons essentielles que je vous écris.
D’une part, donc pour vous invitez à soutenir l’atelier du Non Faire, implanté à l’hôpital psychiatrique de Maison Blanche (Neuilly sur Marne..).
Et, d’autre part, pour vous soumettre d’autres projets plus “conceptuels” concernant les rapports de ce qu’on nomme l’art brut et autres productions dites “psychopathologiques” avec la création musicale contemporaine.
Je serais très heureux de pouvoir bénéficier de vos conseils en ce domaine et je vous remercie d'avance pour d’éventuelles informations concernant ces questions.
Pour ma part, c’est en tant que “nocéen”, habitant non loin de l’hôpital psychiatrique de Maison Blanche, à Neuilly-s-Marnes, que j’ai voulu apporté mon modeste soutien à cette expérience du “non faire”.

C’est, aussi en marge de mon métier de professeur de philosophie, que je me sens concerné par cette expérience à la frontière de l’art et de la clinique. Je travaille, en effet, sur un plan purement théorique (D.E.A, conférences à l'école des beaux arts sur l'art brut..), depuis plusieurs années, sur des questions d’esthétiques concernant les liens complexes de l'art avec certaines formes d’exclusion (maladies, internement, prison, ..).
Ayant eu l’occasion de visiter deux fois l’atelier du Non-Faire, je ne peux que témoigner des qualités esthétiques de certaines toiles.La démarche de Christian Sabas (infirmier singulier et engagé!), manifeste la possibilité d’enrichir et de diversifier le rapport et le soin accordé à la maladie mentale.

Sa démarche peut s’inscrire dans une volonté de contourner les effets de certaines pratiques médicales, aboutissant notamment au tarissement des grandes productions d’art brut dans le cadre des H.P.
Et, l’atelier du non faire de Neuilly s/ Marne n’a jamais sacrifié au modèle eugéniste; il pourrait devenir un lieu pour des expérimentations et autres utopies à venir.
Ainsi voici, un petit résumé de l’aventure du non faire:
L’Atelier du Non-Faire a été créé au sein de l’hôpital Maison Blanche en 1983 sur l’initiative de Christian Sabas, peintre et musicien, infirmier psychiatrique dans le service du Dr. Pariente. Comme le rappelle Christian Sabas: ”une urgence s’imposait : briser le quotidien asilaire, transcendant l’instant en chaque acte, chaque tentative, chaque existence, chaque vécu, chaque expérience devenant une aventure humaine.”
Christian Sabas remarque très tôt le problème des rapports des soignants avec le patient, tenu à distance, infantilisé et considéré comme objet. Avec la blouse blanche il refuse les pratiques routinières et commence à établir des relations avec les personnes hospitalisées, par des moyens ordinaires, comme une partie de ping-pong, une promenade, une simple conversation. Il passe tout son temps avec ces personnes enfermées, dépouillées de leurs habits et de leurs effets personnels, marginalisés, stigmatisés, privés de leurs droits de citoyen. Christian amène parfois sa guitare, parfois du matériel de dessin… le conflit éclate le jour où il invite des musiciens à venir jouer avec les patients!
L’Atelier naît d’un arrangement, un aménagement que le Dr Pariente trouve pour garder son infirmier « hors norme » tout en protégeant un fonctionnement institutionnel immuable.
Un lieu d’asile à l’intérieur de l’asile est trouvé dans un pavillon désaffecté, le 53.
A partir de là, les patients se mettent à l’œuvre, avec des matériaux de récupération, tout est bon pour devenir support de création : papier, cartons, draps…
Toutes les salles de cette immense bâtisse seront occupées au fur et à mesure sous la poussée constructive, la production massive, l’immense potentialité, la volonté de se dire que ces femmes et ces hommes ont toujours montrées, délivrées par leur créativité et surtout autour et dans l’œuvre dite d’art.
En 1985 le Dr Gellman remplace le Dr Pariente, parti à la retraite.
La presse commence à s’intéresser à ce lieu.
L’espace de concrétisation/transformation/travail est de 1000 mètres carrés environ. Il ne s’agit pas d’un atelier d’ergothérapie ni d’art-thérapie, ni d’expression psychopathologique (lieux où l’homme est réduit à pondre un art qui sera décortiqué pour/par la science), mais plutôt un espace où toutes tentatives, réalisations, se joueront, se vivront en possibilité de devenir.
Il n’y aura pas de prescription médicale, tout au plus une envie, de se défouler, de se libérer, de sublimer que porte en soi tout un chacun.
Les patients découvrent au hasard d’une promenade ou par le bouche à oreille cet ancien bâtiment d’hospitalisation transformé en un gigantesque espace d’expression où ils peuvent, au gré de leur humeur, jouer d’un instrument, manipuler un pinceau, écrire, approcher l’informatique… ou même « ne rien faire » du tout.

Contre une médecine trop volontariste, qui veut tout guérir; il y a ici une forme de respect pour la maladie.Maladie qui peut être une forme de réaction généralisée à intention de guérison.L’organisme fait une maladie pour se guérir.” disait déjà George Canguilhem, dans Le Normal et le pathologique;




Et, si je m’adresse à vous, c’est que votre philosophie poursuit cette théorisation des zones d’affinités entre des formes de subjectivités psychotiques et des pratiques artistiques; philosophiques...etc..
Je crois qu’il est possible de mettre en place des projets qui permettent d’ouvrir des “correspondances” entre des lieux d’enseignements; des institutions de soin ou même des lieux d’enfermement (l’hôpital; prison; maison de retraite, etc..) et des formes d’art; renouant par là même avec une certaine idée foucaldienne de transversalité des pratiques culturelles.Les créations artistiques pouvant plus que jamais assumer cette fonction “d’objets transitionnels” entre des sujets qui n’ont bien souvent d’autres rapports, que la bêtise du cliché (télévisuel, médiatique, etc..), du jugement ou parfois de la violence physique.
Or, l'anf a besoin d'aide.J'ai envoyé un mail à son "animatrice" dans lequel je me permets de vous citer (maladroitement).


Bien cordialement,
Philippe Godin