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Les réactions à "Re-créer un pôle d’attraction à l’université"par Pierre Arnoux 6 Réponse de l'auteur Pour répondre à Emmanuelle Sibeud par Pierre Arnoux le samedi 17 mars 2007 à 22:10 Tout d'abord, il faut distinguer le cas des normaliens et celui des polytechniciens.
Les normaliens sont élèves-fonctionnaires stagiaires, et ont signé un engagement décennal, qu'ils doivent racheter (ça s'appelle la pantoufle) s'ils ne veulent pas servir l'état, ce qui est je crois encore assez rare. Depuis la réforme consécutive à la suppression du service militaire obligatoire, les polytechniciens n'ont plus d'engagement décennal; leur statut n'est pas clair, et ils reçoivent une solde qui n'est pas soumise à retenue pour pension, ce qui veut probablement dire qu'elle n'est pas considérée comme un salaire. C'est un cas tout à fait spécial: grâce à leur succès au concours, ils reçoivent un cadeau considérable sans aucun engagement de leur part, et les entreprises qui les engagent ne participent en rien à leur formation. Il est probable que la solde des polytechniciens, déjà fortement réduite par rapport au salaire qu'ils touchaient autrefois, est vouée à se réduire et à disparaître, car elle n'a plus aucune justification. Si j'ai proposé d'assortir l'engagement décennal d'une obligation de travail à temps partiel, c'est pour quatre raisons complémentaires: 1) Cette proposition est visiblement très difficile à faire passer. Le milieu politique ne semble pas prêt à accepter ce qui pourrait sembler un cadeau aux étudiants. Un travail, même à temps partiel, permet de faire passer la pilule; les emplois-jeunes ont été bien acceptés par l'opinion. On peut considérer le système proposé comme une version "de luxe" des emplois jeunes. Je crois de plus important, autant pour l'étudiant que pour la société, qu'il soit clair que le salaire qui lui est versé n'est pas un cadeau, mais un contrat. Comme la société semble peu capable de comprendre la notion d'engagement à long terme, c'est une manière efficace de rendre les choses claires. 2) Même si cela ne représente que quelques heures par personnes, cela pourrait faire une différence considérable au niveau du collège et du primaire; 30 000 personnes travaillant à temps partiel dans les écoles donneraient la possibilité de monter beaucoup d'actions originales en terme d'accompagnement scolaire. Les emplois-jeunes avaient été plébiscités dans les écoles. 3) Il est important que les étudiants qui se destinent à l'enseignement puisse le plus tôt possible vérifier qu'ils sont bien fait pour ce métier, et c'est la meilleure façon de le savoir; si l'on n'est pas capable de tenir une étude surveillée, il vaut mieux éviter de passer 40 ans devant les élèves... Par ailleurs, c'est aussi un début de formation professionnelle. Un étudiant qui a travaillé une après-midi par semaine dans une école ou un collège pendant 3 ans aura évidemment un autre regard sur un cours de didactique en IUFM que quelqu'un qui ne l'a jamais fait. 4) Il faudrait que ce système ait un effet social important. Une manière de le faire serait d'imposer au départ des conditions de ressources, comme on le fait pour les bourses, mais cela ne me semble pas souhaitable, car il y a des effets pervers. Or si on ne fait pas attention, ce système sera, comme les grandes écoles, très vite monopolisé par les classes favorisées. A voir les réactions régulièrement suscitées par ma proposition, je pense qu'elle aura l'effet souhaité: les étudiants d'origine aisée considéreront comme une contrainte insupportable de devoir une après-midi par semaine ou un mois par an à l'éducation. Par contre, les étudiants d'origine modeste trouveront, à ce que certains m'ont dit, bien plus intéressants de travailler une après-midi dans une école que de travailler 20 heures au Mc Donalds pour un salaire bien plus faible. Il faudrait étudier de façon fine le rôle social du système, pour moduler les demandes faites au étudiants. J'entends bien que cela donnera un statut différent des élèves des ENS; mais on pourrait imaginer qu'on fasse des demandes du même type aux élèves des ENS. Je suppose qu'actuellement la pression va en sens inverse: suppression de l'engagement décennal, suppression du statut, dégradation du salaire en bourse, puis suppression, pour se conformer au modèle anglo-américain: l'ENS est une formation de luxe, réservée aux élites, autant intellectuelles que sociales, pas de raison de payer les élèves en plus... Si cela se fait, ce sera comme pour l'X: dans la plus grande discrétion, et sans que personne ne soit associé aux travaux préparatoires. 5 une tres bonne idée par beaud le jeudi 15 mars 2007 à 23:11 Je souscris à 100% à cette proposition. Il faut la diffuser. J'enseigne dans une faculté de sociologie (UFR) 4 c'est l'Etat qui a financé mes études... par isolde le jeudi 15 mars 2007 à 19:07 ... Et je suis fière de le servir.
Votre proposition est pour moi la plus démocratique, et je suis heureuse de la retrouver exprimée par quelqu'un d'autre, car je ne suis jamais crue quand je le dis, précisément parce que je suis un produit de cette "méritocratie". C'est effectivement grâce au système du pré-recrutement sur concours (2 "grandes écoles") que j'ai pu faire des études longues et aux débouchés hasardeux quand elles sont suivies à l'Université. Mes parents, employés, n'auraient jamais pu financer mon bac+7 si l'Etat ne l'avait effectué. J'ai signé un engagement décennal (en fait 2), ce que je trouve tout à fait normal. De toute façon ma carrière aura lieu dans la fonction publique, comme celle des élèves enseignants dont vous parlez (du moins je l'espère vivement, pour eux comme pour leurs élèves !). L'enseignement, comme la culture, ne sont pas pour moi des branches qui ont vocation à être privatisées. Je pense que les sortants de Normale Sup et de l'X, contrairement à ce que dit une intervenante, signent pareillement cet engagement (ça me paraîtrait scandaleux sinon !), mais ces gens-là sont tellement courtisés et ont tellement de débouchés en sortant de leur école (contrairement à la mienne !) que les entreprises qui les veulent "rachètent leur pantoufle" à l'Etat sans trop de problème. 3 Un seul régime d'élèves fonctionnaires ! par Emmanuelle Sibeud le jeudi 22 février 2007 à 21:09 Merci pour cette proposition réaliste et efficace.
Mais pourquoi assortir l'engagement décennal d'une obligation de donner du temps (1 jour par semaine ou 1 mois par an)quand rien n'est demandé aux normaliens et polytechniciens qui ont déjà droit à un salaire ? Cette obligation me semble d'autant plus inopportune que les défenseurs des classes préparatoires n'hésitent pas à proposer que les enseignants-chercheurs soient utilisés pour faire du tutorat dans l'enseignement secondaire, comme s'il fallait absolument leur trouver une utilité en dehors des universités et en oublaint évidemment qu'ils font aussi de la recherche. 2 professeur émérite de l'Université Paris I par Gérard Monnier le mardi 13 février 2007 à 12:12 Excellente prise de position sur le précrutement ; je pense que ce dispositif devrait s'étendre à la préparation des doctorats, où le marasme créé par le manque de postes en aval devient très grave. Et pourquoi pas à d'autres systèmes de recrutement dans la fonction publique ? 1 Clap-clap-clap :-) par Médard le lundi 12 février 2007 à 17:05 J'applaudis des deux mains, ayant été moi-même élève-professeur : effectivement, si ce système n'avait pas existé, je ne serais jamais devenu professeur...
Maintenant, j'ai bien bien peur que cette idée aille contre l'air du temps : "il y a trooop de fonctionnaires, ma bonne dame !" |
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