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LIENS UTILES
AC
Stop Précarité

LIVRES
Evelyne Perrin, Chômeurs et précaires au cœur de la question sociale, Paris, La Dispute, 2004.
Collectif Génération Précaire, Sois stage et tais-toi ! Pour en finir avec l’exploitation des stagiaires, Paris, La Découverte, 2006.
Michel Husson, « Contre le chômage, les sept travaux d’Hercule », in Pour sortir du libéralisme, Les documents de la Fondation Copernic, Paris, Ed. Syllepse et Fondation Copernic.


 
Une continuité des droits et du revenu pour tous
Pour combattre le chômage et la précarité
par Evelyne Perrin*

 
Montée de la précarité et maintien d’un chômage de masse

Alors que le gouvernement assène des déclarations sur la baisse du chômage, ne prenant en compte que la catégorie 1 des demandeurs d’emploi [1] (soit 2,3 millions de personnes en mars 2006) [2], on peut estimer le nombre total des demandeurs d’emploi toutes catégories confondues à plus de 4 millions de personnes, sans compter toutes celles qui, n’ayant droit à aucune indemnisation, comme les jeunes qui n’ont pas ou pas assez travaillé, ne s’inscrivent pas à l’ANPE. Parmi les causes de recul du chômage des demandeurs d’emploi de catégorie 1, les radiations (167 000 en mars 2006) viennent devant les reprises d’activité.
Quant à la précarité de l’emploi, elle ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années, les principales causes d’entrée au chômage étant les fins de CDD et de missions d’intérim, soit 122 000 personnes en juillet 2006, ou 33% des entrées ou encore le double des licenciements (66 000). Les embauches aujourd’hui se font à 80% en CDD, d’une durée moyenne d’un mois et demi [3], et c’est maintenant un passage obligé pour les jeunes entrant sur le marché du travail. Un nombre croissant de salariés passent ainsi du chômage à l’emploi précaire et tournent sur le marché du travail sans se stabiliser, même si le pourcentage de contrats précaires est estimé par le ministère de l’Emploi à seulement 13% des salariés. Mais c’est sans prendre en compte les free-lance, les stagiaires (plus de 800 000 stages en 2005, la plupart du temps non rémunérés, et non considérés comme de véritables emplois, équivalant à 100 000 emplois déguisés [4]), les faux-indépendants, etc.
On peut estimer que la précarité de l’emploi et du revenu touche 6 à 7 millions de personnes, 6 millions vivant des minima sociaux, insuffisants pour vivre et payer un loyer. Le nombre de travailleurs pauvres (au premier rang desquels se trouvent les femmes obligées de travailler à temps partiel) n’a cessé d’augmenter ces dernières années, et l’on peut maintenant travailler et coucher dehors.

Recul des droits et de la couverture d’assurance-chômage


L’assurance-chômage, qui à ses débuts en 1958 avait vocation à couvrir tous les salariés privés d’emploi et leur assurait à peu près 80% de leur salaire, s’est considérablement dégradée. Aujourd’hui elle n’indemnise plus qu’à peine la moitié des demandeurs d’emploi de toutes catégories, et seulement à hauteur en moyenne de 57% de leur salaire antérieur, et ceci pour des durées de plus en plus courtes. De plus, alors que le nombre de contrats courts augmente sur le marché du travail, il faut des durées de plus en plus longues de travail pour bénéficier quelques mois de l’assurance-chômage (6 mois dans les 22 derniers mois minimum). Le fait le plus grave est que depuis plusieurs années, avec la montée d’un chômage de masse et le creusement du déficit du régime, au lieu d’augmenter les cotisations sociales ou d’en élargir l’assiette à la valeur ajoutée, l’Etat et les partenaires sociaux (à l’exception de la CGT) ont préféré rogner sur les allocations mais surtout de plus en plus de gens sortent du régime d’assurance-chômage pour être pris en charge par le régime d’assistance dépendant de l’Etat (et donc de l’impôt), soit avec l’allocation de solidarité spécifique (ASS, de montant très faible), soit avec le RMI, créé en 1988 mais qui ne permet pas de vivre, soit sans rien. Le régime d’assurance-chômage de l’UNEDIC est donc en crise profonde, crise sociale, économique et financière, et devrait être réformé profondément pour répondre aux défis de la période, c’est-à-dire aux politiques de flexibilité de la main d’œuvre mises en place par les entreprises, et aussi à l’accroissement des revenus financiers dans la répartition de la valeur ajoutée, ou richesse produite au niveau national.
Quant au régime spécial des intermittents du spectacle (annexes 8 et 10 de l’UNEDIC), qui permettait une indemnisation sur 12 mois à partir de 507 heures de travail salarié, il a été revu à la baisse, ce qui a exclu des centaines de milliers d’intermittents. Il prévoit maintenant 507 heures sur 8 mois sans date anniversaire. Aussi les Intermittents du spectacle se battent-ils depuis 2003 pour obtenir un « nouveau modèle » d’indemnisation assurant une indemnisation à hauteur du SMIC pour tous, soutenus en cela par plus de 470 parlementaires.
Enfin en matière de droit à la formation des demandeurs d’emploi, les reculs ont été terribles. Avec le PARE (Plan d’Aide au Retour à l’Emploi) signé en 2001 par les partenaires sociaux (sauf la CGT), l’accès des chômeurs à des formations longues et qualifiantes a été supprimé au profit de formations courtes et directement opérationnelles. Ceci au moment où l’on entre dans une économie de la connaissance !

Pour un nouveau statut de vie sociale et professionnelle


Face  à cette situation qui multiplie les inégalités et la misère, il faut repenser de fond en comble le système de couverture contre les risques de chômage mais aussi de précarité, devenu totalement inadapté, et mettre en place un système unique, et non dual, qui assure à chacun le droit de vivre quand il cherche ou perd son emploi (droit reconnu par la Constitution de 1946).
Il faut créer un statut de vie sociale et professionnelle ouvert à tous les demandeurs d’emploi y compris primo-demandeurs d’emploi, travailleurs indépendants, un statut assurant une continuité des droits (droit à la formation, droits sociaux, progression de carrière, etc.) et du revenu. Ce revenu doit permettre de vivre décemment, et donc être significativement supérieur au seuil de pauvreté, et plutôt au niveau du SMIC. Il doit être versé jusqu’à ce que le salarié retrouve un emploi [5]. C’est à peu près ce que proposent la CGT avec la « sécurité sociale professionnelle », et Solidaires avec le « nouveau statut du salarié », mais aussi la CFTC avec le « statut du travailleur » [6] (toutefois la CFTC propose seulement un revenu d’environ 80% du SMIC).
Ce système doit être financé par un fonds interprofessionnel mutualisé, abondé par les cotisations sociales à l’assiette élargie et plus élevées pour les entreprises qui recourent abusivement aux contrats précaires. Il doit être géré au niveau national, avec des déclinaisons par branches ou bassins d’emploi , par les organisations syndicales de salariés, le patronat et l’Etat, sous le contrôle des associations de chômeurs et de précaires.
On nous rétorquera que c’est impossible compte tenu de la crise financière du régime. Nous répondrons que des marges de manœuvre très importantes existent [7] : réaffectation des minima sociaux et allocations existants, des aides aux entreprises, suppression des exonérations de charges non conditionnées à l’embauche, mais surtout taxation des revenus financiers non réinvestis. En effet la part des salaires dans la valeur ajoutée nationale a reculé en quinze ans de dix points, passant de 70 à 60% environ. C’est à un rééquilibrage qu’il faut arriver. De plus, des ménages mieux indemnisés consomment et donc contribuent à la création d’emplois et aux recettes fiscales et sociales.
Evelyne Perrin*

* Membre d’AC ! et de Stop Précarité.

[1] Soit les personnes à la recherche d’un emploi en CDI à temps plein ayant travaillé mois de 78H dans le mois.
[2] Evelyne Perrin, Chômeurs et précaires au cœur de la question sociale, Paris, La Dispute, 2004.
[3] DARES, Premières Synthèses 2005.
[4] Cf. Collectif Génération Précaire, Sois stage et tais-toi ! Pour en finir avec l’exploitation des stagiaires, Paris, La Découverte, 2006.
[5] Rappelons qu’au Danemark, les allocations de chômage sont versées pendant quatre ans. Le gouvernement français a prétendu s’inspirer de ce « modèle danois » en en retenant que la flexibilité (CNE et CPE) sans la sécurité.
[6] Tous ces documents sont disponibles auprès des différentes confédérations.
[7] Cf. l’article de Michel Husson, « Contre le chômage, les sept travaux d’Hercule », in Pour sortir du libéralisme, Les documents de la Fondation Copernic, Paris, Ed. Syllepse et Fondation Copernic.


Réaction(s) à cet article
1 Reprise du travail par eric dt
le vendredi 09 mars 2007 à 01:01
Notre consitution est claire: chacun a le devoir de travailler et le droit à un emploi.
Cette phrase met bien en balance la responsabilité de chacun: la personne doit contribuer au fonctionnement de la société par son travail, la société doit offrir à chaque personne la possibilité de travailler.
A supposer qu'un tel système de sécurité sociale... [ lire la suite ]