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LIENS UTILES
ATTAC
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Le but des écotaxes selon Réseau Action Climat

LIVRES
ATTAC, 2005, Vivent les impôts, Mille et une Nuits.
Howard M. Wachtel,  octobre 1998, Monde Diplomatique : "Trois taxes globales pour maîtriser la spéculation".
Vive l'impôt, Alternatives Économiques, Les Chiffres de l'économie, n°70, 4° trimestre 2006.


 
La redistribution des richesses
L’impôt ou le marché ?
par Geneviève Azam*

 
La remise en cause de l’impôt se trouve au cœur du projet néo-libéral. Accusé d’entretenir un idéal égalitariste et de nuire à la liberté individuelle et à la concurrence, de tuer l’innovation et de provoquer du chômage, il est une cible pour des stratégies fondées sur le refus que des choix politiques, sociaux, écologiques, puissent orienter l’activité économique. C’est donc bien à une re-légitimation politique de l’impôt que nous avons à œuvrer.
Le principe de l’impôt, dans sa forme moderne, est en effet lié à la citoyenneté. Il contient l’idée de contributions et dépenses communes, qui au fil du temps, vont permettre l’affirmation de l’égalité des droits d’accès et droits d’usage de biens et services fournis par la collectivité, quels que soient les revenus et sur l’ensemble du territoire. Il exprime la participation à l’édification d’un monde commun et l’appartenance à ce monde, au-delà de toutes les autres appartenances.
Et pourtant, depuis une trentaine d’années, l’impôt est délégitimé et le consentement à l’acquitter n’est plus évident : la négation par les libéraux de l’idée de dette collective et les effets des politiques d’inspiration néo-libérale ruinent en effet les valeurs de justice, de solidarité et d’égalité. Par ailleurs, l’explosion des inégalités est telle qu’elle repousse l’espoir qu’une redistribution des richesses puisse combler un fossé qui s’élargit sans cesse, et conduit au fatalisme. Ceci est d’autant plus vrai qu’à la crise sociale s’ajoute la crise environnementale. On ne peut plus ignorer les limites écologiques à la poursuite d’une croissance globale et illimitée, qui certes accroît mécaniquement l’assiette des impôts et les recettes fiscales dans le court terme, mais menace l’équilibre écologique et expose tout particulièrement les plus démunis aux risques environnementaux.

Retrouver une nouvelle légitimité politique pour l’impôt

Cela suppose la reconnaissance des citoyens non seulement comme « contribuables » ou « usagers » dégagés de toute responsabilité une fois leur dette acquittée, mais comme citoyens agissants. C’est ce dont témoignent notamment les expériences locales de budgets participatifs.
Pour redonner un sens politique au présent et l’inscrire dans la continuité historique, la redistribution ne peut intervenir seulement a posteriori et sur des effets de court terme. En effet, la dégradation des écosystèmes, le sacrifice de générations entières d’exclus, le saccage de la bio-diversité et de la socio-diversité, tendent à produire dans le temps des effets irréversibles, qu’aucune politique de redistribution après coup ne pourrait durablement rectifier. Voilà pourquoi l’impôt doit permettre d’orienter a priori les choix de production et de consommation au lieu de la fuite en avant imposée par les règles de l’immédiateté des profits et le mépris de la nature.
Enfin, les inégalités de répartition et d’accès aux ressources et aux biens communs entre le Nord et le Sud, l’émergence de risques globaux, l’intrication internationale des marchés du travail et la mobilité des mouvements de capitaux, exigent de créer des taxes globales et une fiscalité européenne.

Une ponction directe sur la richesse produite

L’impôt sur le revenu doit être le pilier du système fiscal avec un barème progressif pour tous les revenus, y compris les revenus financiers. Actuellement, 12% des revenus financiers sont imposés au barème progressif, une partie est imposable au taux proportionnel et la majorité n'est pas imposée. L’exigence de justice passe par une forte progressivité, avec une révision des tranches et des taux, au lieu des prélèvements à taux unique qui se profilent progressivement (du type Flat Tax), de l’alourdissement indifférencié de la TVA qui aggrave les inégalités et de l’allègement des impôts sur le revenu des 10% les plus riches par la hausse de la taxe d’habitation et de la CSG pour tous les ménages.
Dans le même esprit, il s’agit d’arrêter la chute des taux d’imposition sur les sociétés (en 20 ans, chute des taux de plus de 20 points en France), de supprimer les multiples trappes à fraude fiscale et de restaurer un véritable impôt sur le patrimoine. Enfin, la mise en œuvre d’une taxation sur les transactions financières, envisageable au niveau européen, permettrait à la fois une intervention sur les marchés financiers et une redistribution des richesses à l’échelle internationale.

Une ponction écologique directe et indirecte

Pour orienter les choix de production et de consommation et répondre à la nécessité de réduire la pression écologique, l’impôt doit intégrer des prélèvements en fonction des ressources non-renouvelables prélevées, polluées ou détruites pour produire la richesse et la faire circuler. Refuser l’impôt conduit à confier au marché la gestion des déséquilibres. Il en est ainsi du changement climatique. Le « mécanisme de développement propre » du protocole de Kyoto permet l’organisation d’un marché du carbone censé réguler les émissions. Ce nouveau commerce des droits à polluer bénéficie à des acteurs privés, au Nord et au Sud, il signifie l’accaparement de l’atmosphère par les puissants, alors que le coût de la réduction de l’utilisation future des énergies fossiles incombera pour l’essentiel au domaine public, selon la formule « privatisation des profits, socialisation des pertes » et pollutions.
Ainsi, si nous voulons atteindre l’objectif de réduction des émissions des gaz à effet de serre, l’impôt devrait être également assis sur le calcul des émissions induites par la production, sous forme de taxes globales ou/et nationales. De la même manière, une taxe globale sur le km parcouru par les produits serait une incitation à réduire les transports de marchandises et à relocaliser les activités économiques.
Pour la consommation, la TVA devrait être à taux zéro pour les produits de première nécessité et intégrer en même temps l’impact écologique des biens consommés, avec des taux élevés pour les consommations polluantes. Cela suppose un effort important de financement de consommations collectives plus justes et moins prédatrices pour l’environnement, transports et habitat notamment.

La combinaison de ces prélèvements permettrait d’aller vers l’égalité d’accès aux ressources et à la richesse, compte tenu de l’équilibre écologique et de la solidarité nécessaire entre les générations présentes et les générations futures.
Geneviève Azam*

* Economiste, maître de conférences à l’Université de Toulouse, conseil scientifique d’ATTAC.