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>> Politiques sociales et économiques >> Partage des richesses >> Redistribution inter-communale des richesses pour lutter contre la ségrégation urbaine
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LIENS UTILES
ADELS

LIVRES
Rapport sur les finances locales DGCL mars 2002 + Annexes.
Groupe de travail sur la réforme des dotations de l’Etat aux collectivités locales rapport de synthèse avril 2004 (59 pages plus une annexe sur le potentiel fiscal).
Communes, intercommunalités, quels devenirs ? Avis du CES sur le rapport présenté par Pierre-Jean Rozet séance des 21 et 22 juin 2005 (115 page).
Agenda 2012 : 37 propositions pour une meilleure maîtrise de la dépense publique, Institut de l’entreprise Avril 2006-10-06 (202 pages).
Une vision étriquée et purement comptable des finances publiques in Territoires Juin 2006 Patrick Joyeux/ Aline Chambras.
Evaluation des effets péréquateurs des concours de l’Etat aux collectivités locales, 22 juillet 2004, Commissariat général au plan, Gilbert et Guengant.
Des péréquations spécifiques à l’Ile de France (jp Chauvel) 7 pages.
« Quelle péréquation locale ? » Gilbert- Guengant et Claire Delpech in Intercommunalités AdCF n° 104 Septembre 2006, 4 pages.
« Evaluation des effets péréquateurs des concours de l’Etat aux collectivités locales » résumé de l’étude du CGP par Patrick Joyeux.
« L’intercommunalité francilienne rattrape son retard » Marie-Christine Bernard Gélabert in Extramuros n°15 été.


 
Une ambition républicaine : réduire les inégalités territoriales
par Gérard Laugier*

 
Répondre durablement à la crise sociale révélée par les émeutes urbaines de novembre 2005 passe aussi par l’avènement d’une plus grande solidarité territoriale grâce à une meilleure maîtrise des outils de péréquation financière.

Un constat : les inégalités de richesses sont insuffisamment corrigées

Les collectivités locales s’efforcent d’apporter à chaque citoyen un niveau comparable de services et d’équipements publics de proximité. Elles y sont encouragées par des mécanismes d’égalisation des ressources dont le principe est inscrit dans la Constitution [1].
En matière de ressources et de dépenses, les inégalités entre les villes sont très marquées. Les disparités de ressources proviennent essentiellement de la répartition très inégalitaire des bases d’imposition de la fiscalité locale [2]. De ce fait, les villes ne disposent pas du même « pouvoir d’achat en matière de services de proximité ». Un système complexe de solidarité [3], en particulier à travers les dotations que l’Etat verse aux collectivités locales, a vocation à réduire ces écarts. Or, une étude du Commissariat général du plan [4] (CGP) en dresse un bilan accablant : en 2001, les 10% des communes les plus riches, soit plus de 3 500 communes, disposaient de près de 30% du pouvoir d’achat, alors que les 10% les plus pauvres ne bénéficiaient que d’un peu plus de 1% de ce même pouvoir d’achat.
En 2001, la péréquation ne corrigeait que 40% des inégalités constatées entre les communes. Cette correction s’améliore avec les années. Elle a ainsi progressé de 6% entre 1994 et 2001. Mais elle apparaît insuffisamment maîtrisée par les pouvoirs publics puisque seuls 71% des transferts de ressources concourent à la réduction des inégalités [5].

Trouver rapidement une réponse adaptée

Il faut donc répondre à l’urgence en augmentant la part des crédits affectés à la solidarité à l’intérieur de la dotation globale de fonctionnement (DGF) : la porter par exemple à 20%, alors qu’en 2006, elle ne représente qu’un peu plus de 8%. Par ailleurs, aucune ville ne devrait avoir un niveau de ressources présentant un écart à la moyenne supérieure à 20%. Un plan décennal permettrait d’étaler la réduction des écarts. En effet, une étude de la Délégation Interministérielle à la Ville [6] montre que 265 communes, se situent en 2005 largement en dessous de la moyenne des ressources des 936 villes de plus de 10 000 habitants. Pour cela, on pourrait s’inspirer d’un précédent législatif : la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire a instauré un plancher de ressources pour les collectivités regroupées dans des espaces régionaux [7]. Cette mesure n’a cependant jamais été mise en œuvre.

Faire jouer la solidarité dans les « territoires de projet »

Aujourd’hui, le traitement des disparités est en partie aveugle. En effet, selon l’étude du CGP, 30% des crédits disponibles n’atteignent pas leur cible, parce qu’ils sont juxtaposés et pas coordonnés. C’est ce que l’on constate aujourd’hui où se met en œuvre sans garantie d’efficacité une solidarité d’Etat morcelée, elle-même complétée avec aussi peu de visibilité par l’action des intercommunalités, des départements et des régions et même de l’Europe.
L’intercommunalité, aujourd’hui mise en œuvre sur une très grande partie du territoire [8], permet d’organiser la solidarité sur un espace plus large que la commune. Une étude de l’Association des communautés de France [9], montre que l’effet redistributeur de la mutualisation des services au niveau intercommunal se situe autour de 35% à 45%.
Ces deux constats militent pour la mise en place d’un nouveau mécanisme de la péréquation : la solidarité se met en œuvre d’abord au niveau intercommunal de façon à permettre la mutualisation des compétences et des moyens. Elle est ensuite complétée par l’intervention des autres collectivités et enfin par les concours financiers de l’Etat.
Cela implique des évolutions profondes :
En premier lieu, achever la couverture intercommunale du territoire ; rapprocher les territoires politiques des territoires réels des agglomérations ; généraliser le transfert fiscal de la taxe professionnelle unique, instrument puissant de la péréquation ; reconnaître le pouvoir de l’intercommunalité en organisant l’élection des conseillers communautaires au suffrage direct et en repensant les relations des communautés avec les communes et leurs rôles respectifs.
En second lieu, modifier profondément le rapport de l’Etat aux collectivités territoriales. Les mécanismes de la solidarité financière seraient organisés au niveau intercommunal, avec l’apport des dotations de l’Etat destinées aux communes.

Ajuster en permanence les efforts de solidarité


Qu’on parvienne ou non à réformer une fiscalité locale profondément injuste aujourd’hui, le développement des territoires sera toujours différencié et produira donc des inégalités de ressources qu’il faudra corriger en permanence en mettant en œuvre une subsidiarité ascendante.
Pour cela, deux démarches simultanées pourraient être conduites : permettre aux régions qui disposent des moyens suffisants de jouer un rôle correctif complémentaire de celui des intercommunalités, à l’instar de ce que met en œuvre la région Ile de France ; réorganiser les concours de solidarité de la dotation globale de fonctionnement (DGF) en les ajustant aux situations inégalitaires observées après interventions des mécanismes précédents, en affectant la dotation de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR) à la prise en compte des excès de charges et en consacrant la dotation nationale de péréquation (DNP) au respect d’un plancher de ressources légalisé.

Il faut donc réaffirmer la volonté d’organiser de manière solidaire le développement de toutes les villes et de l’ensemble du territoire, en cessant d’attiser l’esprit de compétition. Cela passe par la transformation des mécanismes complexes de péréquation au sein du labyrinthe que constituent les finances locales. Au moment où les élus déclarent un peu partout s’inspirer d’un budget participatif inventé au Brésil, il faudrait cependant ne pas laisser les décisions politiques organisant la solidarité territoriale se définir dans le giron de l’expertise, et impérativement trouver les moyens pour que la société civile puisse s’en emparer.
Gérard Laugier*

* Membre de l’Adels, conseiller confédéral de la CGT, responsable du secteur logement.

[1] « La loi prévoit les dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales. » article 72-2 de la Constitution.
[2] Des évaluations très anciennes des valeurs locatives (respectivement 1960 pour les propriétés non bâties et 1970 pour les propriétés bâties) servent de bases d’imposition pour les taxes ménages (foncier bâti et non bâti et taxe d’habitation) : elles sont mal corrigées par un coefficient annuel ; la taxe professionnelle acquittée par les entreprises est elle aussi très inégalement répartie et repose aujourd’hui essentiellement sur la valeur locative du foncier bâti et des immobilisations ; en instaurant une « taxe professionnelle unique » au sein des communautés d’agglomération, urbaines ou de communes on a mutualisé au niveau intercommunal les ressources des communes les mieux loties.
[3] Voir en ligne le dossier sur l’état des lieux des finances locales www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/054000480/index.shtml.
[4] « Evolution des effets péréquateurs des concours de L’Etat aux collectivités locales » Guy Gilbert et Alain Guengant, 2004.
[5] Rapporté au pouvoir d’achat moyen, les effets redistributifs des transferts produisent un effet péréquateur (réduction des disparités) pour 71% des communes ; un effet sur-péréquateur (dépassement du pouvoir d’achat moyen) pour 21% des communes ; un effet contre-péréquateur (accentuation de l’excédent de pouvoir d’achat) pour 8% des communes.
[6] 3e rapport de l’observatoire des zones urbaines sensibles, 2006.
[7] article 68 de la loi du 4 février 1995 : « A compter du 1er janvier 1997, une péréquation financière est opérée entre les espaces régionaux de métropole. […] Les ressources […] ne peuvent être inférieures à 80% ni excéder 120% de la moyenne nationale des ressources des collectivités locales et de leurs groupements. »
[8] Au 1 janvier 2006, on compte 2 573 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (communauté d'agglomération, communauté urbaine, communauté de communes et syndicat d'agglomération nouvelle), regroupant 32 913 communes, soit 53,3 millions d'habitants. Près de 90% des communes françaises et 85,5% de la population sont désormais membres d'un EPCI à fiscalité propre. La généralisation de la taxe professionnelle unique (TPU) s'est poursuivie en 2005. Les EPCI à TPU regroupent, au 1er janvier 2006, 40,9 millions d'habitants, soit les trois quarts de la population totale regroupée.
[9] Cf. « quelle péréquation locale ? » in Intercommunalités AdCF n°104 septembre 2006.