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>> Politique internationale et enjeux planétaires >> Un monde solidaire et durable >> Pour une politique agricole multifonctionnelle durable fondée sur la souveraineté alimentaire
 
Changer de Politique Agricole Commune
Un enjeu de société majeur
par Christian Boisgontier*

 
La société civile forte de propositions pour une alternative à la PAC

Jamais la politique agricole commune, maintes fois réformée n’a été aussi contraire à l’intérêt général. A chaque réforme, le dernier bastion des profiteurs de la P.A.C. réussit à renforcer l’essentiel de ses privilèges en phagocytant le pouvoir politique, au mépris des intérêts de la grande majorité des paysans et de toute la société : maintien du ratio « 75% des aides à 20% des paysans », refus de tout plafonnement et non redistribution des aides, renforcement de l’industrialisation agricole et de l’élevage, utilisation à outrance de pesticides, des OGM, etc. L’ORAMA, bastion au sein de la FNSEA regroupant 60 000 agri-managers du grand bassin parisien, continue de revendiquer une suppression des outils de régulation pour l’attribution des terres disponibles et ainsi obtenir un agrandissement des surfaces agricoles favorisant la concentration des terres pour les plus riches. Quel politique osera dénoncer le fait que les plus gros céréaliers, maïsiculteurs, producteurs de protéines et betteraviers perçoivent un montant d’aides publiques de loin supérieur à leur revenu. Aujourd’hui ils poussent à la promotion des biocarburants défiscalisés pour écouler leurs surplus céréaliers.
Historiquement ce méga lobby des grandes cultures contrôle la FNSEA mais n’en occupe pas les postes honorifiques, laissant par stratégie la visibilité aux éleveurs, pour rester présentables et accroître leur audience lors des consultations professionnelles.

Depuis l’accord de Luxembourg du 26 juin 2003 la Confédération paysanne s’est totalement investie pour faire échec à la politique agricole commune calamiteuse.
Malgré tout elle s’est mise en place avec des options françaises qui la rendent encore plus insupportable pour la majorité des paysans. Pourtant d’autres pays comme l’Allemagne ont opté pour une application redistributrice permettant, à terme, à toutes les surfaces productives d’être dotées d’un même montant d’aides publiques.
Au niveau français cette P.A.C., renforcée par la loi d’orientation agricole votée en 2005, est vécue comme une arme de destruction massive de la paysannerie. Les D.P.U. (Droit à Prime Unique) sont au cœur du nouveau dispositif créé à Luxembourg. Désormais, le montant des aides versées à chaque agriculteur est calculé sur le niveau des années précédentes, ce qui désavantage considérablement ceux qui avaient opté pour une agriculture non productiviste. Autre coté retors des D.P.U., chacun a la liberté de produire ce qu’il veut sur son exploitation sans contraintes environnementales, d’écoulement des produits, etc. Tout aussi grave est le démantèlement des mécanismes de soutien au niveau européen, déjà bien affaiblis par les précédentes réformes, mais qui restaient des outils nécessaires à la régulation des productions agricoles. De plus les derniers mécanismes d’intervention pour gérer les surplus sont en train de disparaître.

Au niveau des négociations de l’O.M.C. l’Union Européenne a cherché à dissimuler ses subventions, qui entraînent des distorsions de concurrence dans les échanges mondiaux, par un nouveau dispositif à emballage pseudo environnemental. Ainsi parce que les aides sont découplées, c’est-à-dire sans lien avec la production, elles apparaissent légitimes au regard des règles de l’O.M.C. Magnifique tromperie puisque pour la première fois le montant des concours publics à la production agricole versés en 2005 à l’ensemble de l’agriculture française (10,12 milliards) dépasse le total du revenu des 590 000 agriculteurs français (10,02 milliards).

Le cycle de Doha, dans la phase actuelle des négociations de l’O.M.C., court à l’échec en raison de la question agricole. Les déclarations d’intention des pays riches sur la réduction des soutiens publics à leur agriculture sont une tromperie dénoncée par les pays en développement. Pour 2005, 220 milliards de dollars ont été versés à l’agriculture des pays de l’O.C.D.E. contre 2 milliards pour tout le continent africain.
Les experts les moins inféodés aux transnationales s’accordent à dire que la mondialisation libérale n’a pas créé les richesses escomptées et a creusé le fossé entre pays riches et pays pauvres. Phénomène nouveau, sur les 830 millions de personnes qui ont faim, 650 millions sont des paysans, révélant le drame du libre-échange des denrées alimentaires. Face à cette situation Via Campesina théorise le concept de souveraineté alimentaire comme alternative au libre-échange. Contre l’accord de Marrakech qui fait obligation aux 148 pays signataires d’ouvrir leurs frontières à tous les surplus agricoles planétaires, la souveraineté alimentaire recouvre la possibilité pour les Etats et leur population de définir leur politique agricole et alimentaire, de protéger leurs frontières par des mécanismes de droits de douane procurant des recettes en cas d’importations.

Dès 2002, à la lecture des propositions de réforme du commissaire européen, une plate-forme d’organisations de producteurs (dont la Confédération paysanne), de consommateurs, d’environnementalistes et d’ONG de développement rejette le projet et propose une alternative à la P.A.C autour de cinq axes majeurs :
- Abandonner la vocation exportatrice de l’Union Européenne et recentrage des productions sur les besoins alimentaires intérieurs, excepté les produits à forte valeur ajoutée (vins, spiritueux, AOC). Rappelons le coût élevé supporté par le contribuable européen pour l’écoulement des surplus ;
- Former le revenu des paysans par les recettes de vente de leurs produits avec mécanismes de dégressivité pour dissuader la concentration des surfaces agricoles
- Ajuster la production agricole aux besoins du marché européen avec répartition des cultures sur l’ensemble du territoire ;
- Privilégier les pratiques paysannes respectueuses de l’environnement et de la santé des consommateurs ;
- Réserver les aides publiques aux territoires à handicaps structurels (zones montagneuses, à faible pluviométrie…) afin de maintenir une activité agricole sur tout le territoire.

2008 sera à nouveau un rendez-vous de renégociation de la P.A.C. actuelle pour des raisons budgétaires. La société toute entière doit se mobiliser pour dire ce qu’elle veut pour ses paysans et son alimentation.
Christian Boisgontier*

* Paysan en Basse-Normandie, représentant de la Confédération paysanne au Comité Economique et Social.



Réaction(s) à cet article
2 Payzons ferme ! par Carlo
le mercredi 02 mai 2007 à 22:10
C'est clair que les lobbies et les grosses organisations d'agriculteurs verouillent et le débat sur les aides et le débit des aides. J'espère et je souhaite que nous sortirons de ce système d'aides, où nous pourrons repenser non seulement le lien à la terre qui nous donne de quoi nous nourrir, mais aussi le lien avec le consommateur. Car savoir... [ lire la suite ]
1 Merci, mais encore? par Elie Manier
le mardi 13 février 2007 à 23:11
C'est bel et bien le changement de mode de production agricole qui est le levier principal pour " cet autre monde possible" mais concretement, qui y travaille??? [ lire la suite ]