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Le statut social du jeune en formation ou en insertion
par Bruno Julliard*

 
La fin de l’image d’Épinal d’une jeunesse dorée

Le mouvement contre le CPE, par sa durée et par la détermination de ceux qui le menaient, a révélé le malaise ressenti par les jeunes et a sensibilisé l’opinion publique aux problèmes sociaux des jeunes, et des étudiants en particulier. Il a modifié l’image d’une jeunesse étudiante dorée et insouciante.

Les jeunes souffrent de lourds problèmes sociaux et n’ont pas besoin d’attendre la fin de leurs études pour connaître la précarité. Cette situation ne peut plus durer. Le débat politique qui s’annonce ne pourra omettre ou minimiser les difficultés des jeunes. Les différents candidats devront préciser quel avenir ils réservent à la jeunesse. Plus les dirigeants politiques tardent à mettre en oeuvre des réformes ambitieuses, plus le risque grandit que de nouvelles crises sociales se produisent. Bien qu’ils aient été élevés dans un environnement où la précarité devenait la norme, les jeunes refusent de se résigner à l’idée de vivre plus mal que leurs parents. A rebours du discours politique dominant, ils aspirent légitimement à bénéficier d’un statut protecteur.

Protéger ce nouvel âge de la vie

La période de formation ou d’insertion, entre l’enfance et l’âge adulte, est une nouvelle période de la vie, qui touche un nombre de plus en plus élevé de personnes. C’est la période de tous les risques : en l’absence de statut social spécifique, les jeunes, quelle que soit leur situation, ont le choix entre la dépendance vis-à-vis de la famille et la précarité des petits boulots ou du chômage.

Parmi les difficultés rencontrées par les jeunes, il faut préciser la nature et l’ampleur de celles rencontrées par les étudiants, majoritaires numériquement dans la jeunesse. Depuis trente ans la composition sociologique de la population étudiante a été bouleversée. Aujourd’hui, l’accès à l’enseignement supérieur n’est plus réservé à une élite. Le système s’est massifié sans que pour autant les structures accueillant les étudiants ou les aides dont ils bénéficient n’aient été modifiées. Il en résulte que l’université reste un lieu où la reproduction sociale joue à plein.

A 18 ans, les jeunes sont majeurs civilement, possèdent le droit de vote. Il faut désormais leur accorder la majorité sociale. Au lieu de cela, on continue de les considérer comme des enfants à charge de leur parents, leurs ressources se limitant bien souvent à celles de la famille. Leurs projets et leurs choix de vie sont donc liés à l’opinion que s’en feront les parents. Cette situation est facteur d’inégalités car les jeunes issus de milieux sociaux aisés sont très largement favorisés.

En plus de cette aspiration commune à l’autonomie, les jeunes se caractérisent par un besoin commun : l’acquisition d’un haut niveau de qualification, afin de préparer une insertion réussie dans la vie active. L’absence de statut social et d’aide financière liée à ce statut pousse les étudiants dont les parents ne peuvent financer leurs études à se salarier. Ils se placent ainsi dans une situation de précarité très difficile à concilier avec la réussite d’un projet d’étude ou de formation.

Une allocation d’autonomie universelle


L’UNEF plaide pour la création d’un statut social du jeune en formation, et d’une aide financière correspondant à ce statut : l’allocation d’autonomie. La jeunesse étant un âge spécifique de la vie, elle a besoin d’une protection qui lui soit propre. De la même manière que la société a su protéger les personnes âgées contre le risque de dépendance ou celui de la poursuite d’un travail à un âge avancé, en créant le statut de retraité et la pension de retraite qui lui correspond, il faut instaurer un statut social du jeune en formation ou en insertion, et une allocation d’autonomie, pour assurer contre les risques de dépendance et de précarité subis par les jeunes.

Les jeunes qui ne sont pas salariés, et qui sont aujourd’hui confrontés à la précarité sociale, sont soit en situation de formation, soit en recherche d’insertion professionnelle. L’allocation d’autonomie serait universelle et individualisée. Universelle car tous les jeunes en ont besoin et doivent avoir le droit de bénéficier de ce nouveau système de solidarité. Ainsi, elle concernerait tous les jeunes en formation : les jeunes justifiant l’inscription à une formation continue ou en alternance auraient automatiquement droit à une allocation d’autonomie. Mais elle concernerait aussi les jeunes en recherche d’insertion professionnelle : tous les jeunes justifiant d’une activité de recherche d’emploi, de stages, ou de contrat de qualification auraient également droit à une allocation d’autonomie.

Pour autant, les jeunes ayant des situations différentes (vivant ou non chez leurs parents, étant ou non aidés financièrement par eux), ils ne sauraient recevoir le même montant d’aide. Il apparaît donc légitime d’individualiser cette aide en fonction de la situation personnelle du jeune, et non en fonction de celle de ses parents comme c’est le cas aujourd’hui pour les étudiants.

Les modes de financement de cette allocation existent. La refonte du système d'aide sociale étudiant financerait pour partie cette aide. Des sources complémentaires doivent également être trouvées : recours à un financement par cotisations sociales ou/et par l’impôt. Enfin, cette aide a vocation à être gérée par les jeunes eux-mêmes, au travers de représentants élus.

Cette aide doit permettre de poursuivre l’élévation générale du niveau de formation de notre société. Elle améliorerait les conditions de vie des jeunes et augmenterait leurs chances de réussite. Il faut faire le pari de l’avenir et investir dans l’éducation des jeunes pour permettre à tous non seulement d’acquérir une qualification, mais aussi de devenir des citoyens à part entière, autonomes dans leurs choix de vie et acteurs de leur environnement.

Les possibilités de mise en place de cette allocation existent, il n’en manque aujourd’hui que la volonté politique. C’est aussi sur cette volonté que les jeunes jugeront les différents candidats.

Bruno Julliard*

* Président de l’Union Nationale des Etudiants de France (Unef).



Réaction(s) à cet article
1 comment justifier une allocation sans contrepartie, sans engagement, et sans conditions? par Pierre Arnoux
le jeudi 18 janvier 2007 à 02:02
Il est certain, comme le dit Bruno Julliard, que la situation actuelle des étudiants pose problème. La démocratisation partiellement réalisée de l'université conduit de nombreux étudiants salariés à des études dans les plus mauvaises conditions, et il faut améliorer le soutien qu'on leur apporte à l'heure actuelle.

Je ne suis pourtant pas... [ lire la suite ]