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Les Nouveaux territoires de l’art aux éditions Sujet/Objet
Nouveaux territoires de l’art – Paroles d’élus à paraître aux éditions Sujet/Objet


 
Pour une autre relation à l’art et aux populations
Des principes politiques pour une nouvelle époque de l’action artistique et culturelle
par Eric et fazette Autre(s)pARTs (Fazette Bordage, Eric Chevance et Philippe Henry)*

 
En février 2002 à Marseille, les premières rencontres internationales sur les Nouveaux Territoires de l’Art (NTA) réunissaient ceux qui, depuis des années, en France et dans de nombreux pays, inventent de nouvelles relations entre art et société. Dans le sillage des idéaux de l’éducation populaire, ces pratiques impliquent des interactions renouvelées entre mondes artistiques et autres champs sociaux, mêlent sur de mêmes projets amateurs et professionnels, rendent actives les populations dans la construction d’un authentique développement culturel. Cinq ans et une élection présidentielle plus tard, ce qu’on reconnaît désormais sous l’appellation générique de NTA a quasiment disparu des préoccupations publiques. Mais, malgré des difficultés et une précarité croissantes, le mouvement s’est poursuivi sur le terrain. De initiatives naissent partout, dans les villes, les quartiers, en milieu rural ou urbain, dans un foisonnement qui démontre la vitalité des artistes, la pertinence de leur travail, et qui prouve aussi la nécessité qu’avec les populations, et sur leurs territoires, s’élabore collectivement cette nouvelle époque de l’action artistique et culturelle [1].

Face aux modèles dominants, l’art ouvre la possibilité de l’autre, l’autre interprétation, l’autre communauté, l’autre regard. Comme vision sensible du monde, il se pose comme élément fondamental constitutif de la personne, en tant qu’être humain autonome, social et responsable. Comme construction d’un vécu collectif, d’une expérience commune et partagée, il est l’un des fondements de la démocratie, seule possibilité acceptable du vivre ensemble.
C’est cette nouvelle réalité qu’il nous faut considérer et dans laquelle nos vigilances et nos engagements doivent se retrouver, devant les dégradations quotidiennes d’une démocratie de plus en plus malmenée et beaucoup plus fragile qu’il n’y paraît.

Comment alors accepter la dégradation des politiques publiques, et particulièrement de celles de l’art et de la culture ? Comment alors accepter la précarisation des artistes, comment accepter la standardisation des œuvres au goût du plus grand nombre, comment accepter que les déclarations sur la diversité culturelle ne soient que rarement suivies d’actes ? Comment accepter enfin l’oubli de certaines des initiatives artistiques les plus novatrices, les plus originales, tout en restant les plus populaires.
Dans ces temps de confusion sur les valeurs qui fondent notre société, Autre(s)pARTs affirme la nécessité de tendre vers une véritable démocratie culturelle, qui remette radicalement en cause les dogmes sur lesquels s’appuie l’action culturelle dans notre pays [2]. Il est d’une nécessité absolue de repenser les objectifs et les moyens des politiques publiques dans ce domaine, de considérer avec la plus grande attention les expériences artistiques citoyennes qui prouvent qu’une approche populaire de l’art reste une réalité en marche.
Nous nous démarquons donc des conceptions actuelles, héritières d'une vision par trop linéaire de l'art, qui tient pour essentiel et fondateur le geste singulier de l'artiste produisant une œuvre originale, à faire ensuite connaître au plus grand nombre. Nous défendons une conception hétéronome de l'art, où sont simultanément à prendre en compte, en même temps que l’aspect esthétique, les dimensions conviviale, sociétale, culturelle, politique, etc., des processus artistiques. Nous concevons les démarches artistiques comme des parcours relationnels qui renouvellent nos modes de symbolisation et de socialisation.

Plus largement, nous militons pour un certain nombre de principes politiques, en concordance avec la spécificité de nos pratiques artistiques et culturelles, et qui concernent la société tout entière.
1) Nous revendiquons la primauté du principe d’émulation coopérative comme fondement de la valeur, tant symbolique qu’économique, des activités humaines. La primauté actuelle du principe de compétitivité concurrentielle conduit, selon nous, à un appauvrissement humain global. Un autre mode de développement et de la production de la richesse, plus hétérogène et extensif, est possible et doit être collectivement construit.
2) Nous revendiquons la primauté des droits culturels au sein des droits de l’homme, comme droit d’accès de chacun aux ressources nécessaires à son développement personnel et social. Le principe de participation active de chacun à la vie sociale et culturelle est premier. Celui de co-construction des pratiques artistiques et des politiques culturelles avec tous les acteurs sociaux concernés s’en trouve induit.
3)  Nous revendiquons donc aussi la primauté de l’initiative civile et citoyenne ayant d’autres fins que lucratives dans le développement de notre société. Il en découle la nécessité de favoriser le développement d’expériences et d’entreprises relevant d’un « tiers-secteur », d’une économie solidaire hybridant les ressources de l’économie de réciprocité, de l’économie administrée redistributive, et de l’économie marchande.
4) Nous revendiquons également la nécessité de construire et mettre en œuvre un nouveau droit à la continuité des droits sociaux, référé à la personne elle-même et non à son statut de travail ou d’emploi comme aujourd’hui. La nécessité d’une réelle « sécurité sociale professionnelle » est particulièrement sensible dans les milieux artistiques, mais touche fondamentalement l’ensemble de notre société capitaliste hantée par l’innovation et la flexibilité. Elle devra être rendue viable par une redistribution d’une part accrue de la richesse collectivement produite au profit du plus grand nombre.
5) Nous revendiquons enfin la créativité artistique partagée comme ressource individuelle et collective première pour construire un monde de diversité culturelle, où l’identité dynamique de chacun se comprend aussi comme une ouverture constante à l’autre et au non prévu. Nos pratiques, nos projets se veulent en tout cas au cœur d’un processus historique d’émancipation de l’être humain, dans lequel la dimension sensible et créative de l’activité artistique est partie intégrante du mode d’organisation et de développement politique pour lequel nous militons.

Ainsi, nous engageons dès maintenant le débat avec tous ceux qui sont conscients de l’importance, pour les individus comme pour la collectivité, de construire de nouvelles relations, riches, fortes, durables, entre art et populations. Les acteurs sont présents, les idées foisonnent, il ne manque qu’une volonté politique et citoyenne affirmée. Avec qui la porterons nous ?
Eric et fazette Autre(s)pARTs (Fazette Bordage, Eric Chevance et Philippe Henry)*

* L’association Autre(s)pARTs, constituée en septembre 2000, a pour objet de favoriser la mise en œuvre d'un centre commun de réflexion, de recherche et d'action pour la valorisation des projets et des lieux qui organisent leurs pratiques et expérimentations autour de nouvelles et autres relations entre arts, territoires et populations. Site : autresparts.free.fr.

Fazette Bordage : Directrice de Mains d’œuvres, co-animatrice d’ Autre(s)pARTs.
Eric Chevance : Directeur du TNT-Manufacture de Chaussures, co-animateur d’Autre(s)pARTs.
Philippe Henry : Sociologue maître de conférences à l'université Paris 8-Saint-Denis et membre d’Autre(s)pARTs.
[1] Vous pouvez consulter des exemples concrets de ces nouvelles pratiques sur les sites suivants, ainsi que de nombreux autres figurant sur les sites indiqués en fin d’article : www.letnt.com/zettesite.htm ; www.hvdz.org menu Les Veillées ; perso.orange.fr/viesavies/ menu 501 Blues ; www.mainsdoeuvres.org ; www.3bisf.org ; www.lafriche.org/nta/.
[2] Voir www.passant-ordinaire.com/revue/48-619.asp


Réaction(s) à cet article
1 La culture des candidats! par Muncerus
le mardi 20 février 2007 à 12:12
Dans les années 80 la culture constituait à la fois l'alibi et le "booster" des programmes électoraux et des candidats qui les présentaient. Le "développement culturel" était en vogue, les budgets suivaient. L'action culturelle irriguait le territoire et c'était bien ainsi, du moins jusqu'au moment où la démarche "entrepreneuriale" a... [ lire la suite ]