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>> Citoyenneté et institutions >> Mettre en œuvre une autre politique de la sexualité et des libertés sexuelles et repenser les politiques familiales >> Pour le respect des droits des travailleuses et travailleurs du sexe
A lire aussi dans l'Autre Campagne

LIENS UTILES
http://www.cabiria.asso.fr
http://collectif.fem.droits.free.fr
http://lesputes.org
http://www.chezstella.org
http://www.cybersolidaires.org/actus/sexe.html
http://nswp.org
http://www.sexworkersproject.org
http://www.multisexualites-et-sida.org

LIVRES
Claire Carthonnet J’ai des choses à vous dire, Robert Laffont, 2003.
Françoise Guillemaut « Trafics et migrations de femmes, une hypocrisie au service des pays riches », in Hommes et migrations, n°1248, mars-avril, p.p. 75-87, 2004.
Marie-Elisabeth Handman et Janine Mossuz-Lavau (sous la dir.) La prostitution à Paris, Ed. La Martinière, 2005.
Ligue des Droits de l’Homme, Syndicat de la magistrature et Syndicat des avocats de France De nouvelles zones de non droit, Des prostituées face à l'arbitraire policier, Commission Citoyens-Justice-Police, 2005.
Corinne Monnet « "Trafic de femmes" : crime organisé ou organisation de la répression ? », revue Argument, Québec, Canada, 2005.
Gail Pheterson Le prisme de la prostitution, l’Harmattan, 2001.
Grisélidis Real La passe imaginaire, Manya, 1992.


 
Pour le respect des droits des travailleuses et travailleurs du sexe
par Françoise Guillemaut*

 
L'interdiction de la prostitution par la pénalisation du racolage comme par celle des clients qui vise à faire disparaître les personnes prostitué-e-s de la rue est à la fois dangereuse et hypocrite. Dangereuse pour les premières concernées car elle les renvoie à la clandestinité et à la violence. Celle-ci se manifeste dans les relations avec les passants ou certains riverains qui prennent les prostitué-e-s comme cibles, et aussi avec la plupart des policiers et certains clients. S'ajoute la violence politique des garde-à-vue ou de la détention préventive et des condamnations requises ou prononcées par les tribunaux, qui légitiment la violence sociale. Les prostitué-e-s étant devenues des délinquantes depuis la Loi de Sécurité Intérieure, leur persécution se déroule dans une atmosphère d'impunité et de toute puissance. La clandestinité quant à elle implique que certaines d'entre elles risquent de rechercher la protection des milieux criminels ainsi que, pour toutes des conditions de vie plus difficiles car elles doivent tout monnayer à des prix exorbitants : loyers, santé, et parfois présence sur le trottoir et protection. Ce à quoi s'ajoutent les risques accrus liés au VIH et autres IST parce que les conditions de négociation avec les clients sont de plus en plus à leur désavantage.
Avoir pour objectif à long ou moyen terme la disparition de la prostitution repose sur une réponse simpliste et décalée à une problématique complexe ; c'est prendre l'arbre pour la forêt : c'est croire que la domination structurelle des femmes et de leur appropriation collective, associée à l'hégémonie du libéralisme marchand, des valeurs capitalistes et aux formes de l'impérialisme postcolonial pourraient disparaître en même temps que la prostitution. Aujourd'hui on le voit, faire disparaître la prostitution consiste à « supprimer » les prostituées de rue avec la caution de différentes tendances de l'abolitionnisme de gauche.
La situation des Étrangèr-e-s est un archétype de l'entrecroisement des oppression de « race », de genre et de classe que la société française a des difficultés à considérer dans sa globalité.
Les travailleur-euse du sexe étrangèr-e-s (60% à 70% des 20 000 prostitué-e-s en France) sont parmi les plus persécutées depuis la LSI et les nouvelles lois sur l’immigration. Elles viennent des pays ex-colonisés et des pays d'Europe de l'Est ou de Chine. Leur migration peut se lire comme un éclairage structurel des questions complexes mentionnées ci-dessus et elle se produit dans des conditions de danger et de répression croissants.
En France elles subissent la loi contre le racolage qui permet de les arrêter à tout moment et de les conduire directement à la police de l'air et des frontières ; si toutefois elles échappent à l'expulsion, elles sont déférées en justice où, outre une amende, parfois une peine de prison, elles reçoivent le plus souvent une invitation à quitter le territoire. Le dispositif de lutte contre le trafic est un trompe l'œil qui vise à créer des bouc émissaires et qui permet d'exclure les femmes des procédures d’asile (convention de 1951) en les situant comme victimes individuelles du trafic et non comme appartenant à un groupe social persécuté qui ne reçoit pas de protection suffisante dans son pays. Leur statut de délinquante troublant l'ordre public hypothèque dans tous les cas leur demande de régularisation. La peur de l'Étranger comme source de chaos, qui est entretenue à leur dépend permet de justifier des actions de police rentables sur le plan électoral. Peu importe les conditions dans lesquelles se font les arrestations, les garde à vue ou les passages en centre de rétention.

La première mesure à prendre serait  l'abrogation de la LSI – article 18 pour les prostituées – ; le syndicat de la magistrature l'avait demandé lors de son XXXVIIIe congrès en 2003 ; le Conseil National du sida a clairement dénoncé la politique du gouvernement à leur égard dans son rapport de 2005. Plus généralement, il est urgent de mettre en place de possibilités concrètes d'accès aux droits sociaux de base : couverture sociale, maladie, retraite et formation continue en particulier pour faciliter la réorientation de carrière pour celles qui le souhaitent. Par ailleurs, faciliter le droit d'entrée, de séjour et d'accès au travail des Étranger-e-s est la base minimale qui permettrait aux femmes de choisir leur activité plutôt que d'être contraintes à la prostitution, faute d'alternative – pour nous le travail domestique n'est pas une alternative mais une nouvelle mise sous domination. En matière de répression enfin deux éléments doivent être réformée d'urgence : La modification du rôle de la police qui devrait avoir pour mission de les protéger dans leur travail et la redéfinition du proxénétisme, en particulier afin de permette aux personnes de louer, au prix du marché, des locaux pour travailler et qui leur permette de s'associer entre elles. Enfin plus globalement il importerait d'organiser des concertations locales et nationales avec l'ensemble des partenaires concernés (y compris et surtout les travailleuses du sexe) pour élaborer des politiques publiques adaptées mais non spécifiques.
Les personnes prostituées ont été parmi les premières visées par la répression, amorcée dès 2002 contre ceux qui sont considérés comme « différents », par la stigmatisation de leur altérité. Depuis, le contrôle social des populations et la persécution des étranger-e-s n'a cessé de s'aggraver.
Françoise Guillemaut*

* Sociologue, co-fondatrice de l’association Cabiria en 1993.




Réaction(s) à cet article
1 questions autour de la jeunesse et de sa consommation par des adultes par Rousseau
le vendredi 13 avril 2007 à 08:08
Sujet difficile et pourtant très important. Les personnes concernées (travailleurs du sexe) ont en effet des choses à défendre. Il faudrait aussi parler du banditisme qui fait du trafic des personnes un marché très lucratif financé par les clients à la conscience bien absente. Et en effet il y une très grande hypocrisie dans notre société mais il... [ lire la suite ]