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>> Politiques sociales et économiques >> Repenser les notions de travail, revenu et activité >> Partager le travail, pour un nouveau contrat social
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LIENS UTILES
Collectif Nouvelle donne

LIVRES
Pierre Larrouturou Urgence sociale, aux éditions Ramsay.


 
Pour un nouveau contrat social
par Pierre Larrouturou*

 
Si l’on tient compte des chômeurs cherchant des emplois en CDD ou à temps partiel et des plus de 55 ans dispensés de recherche d’emplois, le total des inscrits à l’ANPE dépasse aujourd’hui les 3 870 000. Plus d’un million d’adultes et 1,5 million d’enfants survivent avec le RMI (+ 200 000 RMIstes en trois ans). Des millions de salariés n’ont que des emplois précaires. Aujourd’hui, pour des millions d’hommes et surtout de femmes, la vie consiste en une alternance de périodes de chômage et de périodes de précarité : la galère à durée indéterminée, une catastrophe humaine…
À un tel niveau, chômage et précarité déséquilibrent complètement la négociation entre salariés et entreprises. Le « Si t’es pas content, tu peux aller voir ailleurs » remplace souvent toute vraie négociation. Ce qui va aux salaires dans la richesse nationale a considérablement diminué.
La part des salaires dans le PIB

En vingt ans, la part des salaires dans le PIB a chuté de 12% (pour cette année, environ 190 milliards d’euros vont aller au capital alors qu’ils iraient aux salariés si le marché du travail retrouvait l’équilibre de 1980).
Pour justifier le retour aux 40 heures, les leaders de la droite mettent en avant la faiblesse des salaires. Mais tant que le chômage et la précarité resteront à ce niveau, la baisse des salaires se poursuivra, le stress des salariés continuera d’augmenter, la croissance restera molle et les ressources de l’État, des collectivités et de la Sécu stagneront. Nous aurons les plus grandes difficultés à financer les services publics, la recherche, la santé et les retraites.
La crise que nous traversons est complexe et multiforme mais le chômage est au cœur de la crise. Nous ne pouvons pas nous résigner. Nous ne devons pas baisser les bras. Casser le chômage doit rester notre priorité absolue.

Peut-on compter sur la seule croissance ?
La croissance en France depuis 1960

Au bout de trente ans de crise, c’est une erreur fondamentale de croire encore que la solution à la crise sociale viendra de la croissance. Aujourd’hui, le seul moyen de rééquilibrer le marché du travail pour augmenter vraiment les salaires, le meilleur moyen de relancer la croissance et de sauver les retraites, c’est de s’attaquer frontalement au chômage.

Comprendre le chômage d’abondance

Pour vaincre le chômage, il faut en comprendre l’origine. Nous sommes en train de vivre une révolution telle que l’humanité n’en a jamais connue. Alors qu’il avait fallu 140 ans pour que la productivité soit multipliée par deux entre 1820 et 1960, elle a depuis été multipliée par 5.

Grâce à la formation, aux robots et aux ordinateurs, la productivité du travail humain a progressé de façon inouïe. En un quart de siècle, l’économie française produit 70% de plus avec 10% de travail en moins : depuis 1974, le PIB a presque doublé mais le total des heures travaillées (tous secteurs confondus) est passé de 41 à 36,9 milliards d’heures. Dans le même temps, la population active disponible a fortement augmenté, passant de 22,3 à plus de 27 millions de personnes. Le travail nécessaire à l’économie baisse de 10% mais le nombre de personnes disponibles augmente de 18%. Un écart de 28% s’est creusé entre l’offre et la demande de travail.

Si, dans le même temps, la durée individuelle du travail avait baissé de 28%, le chômage serait resté à son faible niveau de 1974. Mais, hélas, notre contrat social est bloqué. La durée du travail pour un emploi normal a très peu baissé : si l’on tient compte des heures supplémentaires, la durée réelle du travail est aujourd’hui de 38,8 heures en moyenne, pour un emploi à plein temps (Insee 2003). C’est donc un « partage du travail » sauvage qui s’est mis en place : 3 millions de personnes font 0 heure par semaine (les chômeurs), 19 millions travaillent plein pot (parfois trop) et 4 millions sont à temps partiel.

Dans le même temps, l’espérance de vie a augmenté de 5 ans et l’arrivée sur le marché du travail a été retardée de 3 ans en moyenne. Pour les plus jeunes d’entre nous, il est donc difficile de s’arc-bouter sur le maintien de la retraite à 60 ans. Pour assurer un bon revenu à tous les retraités, il faut faire évoluer le contrat social : travailler un peu plus longtemps pour sauver les retraites mais travailler beaucoup moins chaque semaine ou chaque année pour casser le chômage et vivre autrement…

La semaine de 4 jours, ça marche !


Plusieurs centaines d’entreprises sont déjà passées à 4 jours : Fleury Michon, Monique Ranou, Mamie Nova (Coop Even) ou Télérama mais aussi des centaines de PME inconnues : une auto école à Rouen, un fabricant de logiciels à Chambéry, un charpentier prés de Bordeaux, un laboratoire d’analyse biologiques à Pau, une concession Peugeot dans le Var, un libraire, un chauffagiste et une agence de pub à Paris… À partir de l’effet-emploi observé chez ces 400 pionniers, le Ministère du Travail estimait en 1997 qu’un mouvement général vers les 4 jours créerait 1.700.000 emplois en CDI.
Pour augmenter l’effet sur l’emploi, il faut absolument que les exonérations soient conditionnées à des créations d’emplois.

Aux Etats-Unis, la durée moyenne du travail est aujourd’hui de 33,7 heures. Elle est de 29,9 heures aux Pays-Bas… Vu les gains de productivité réalisés dans toutes nos économies, le débat n’est pas pour ou contre la RTT ? mais plutôt quelle RTT ? RTT organisée par le marché (précarité, stress et concurrence permanente) ou RTT organisée par le débat, le référendum et la négociation ?

« Il faut passer à 32 heures. Cela obligera toutes les entreprises à créer des emplois » affirmait Antoine Riboud en 1993. Il n’a guère été entendu. En période de crise, il est plus facile de jouer sur les peurs et de parler au cerveau reptilien que de parler à l’intelligence et au cerveau citoyen. En 1917, quand Henry Ford affirmait qu’il fallait des règles collectives pour augmenter les salaires (afin d’augmenter la consommation), quand Kellog passait ses usines à 30 heures (et augmentait les salaires de 12%) pour « donner du travail à 300 chefs de famille », ils ont été moqués par les autres patrons américains. Beaucoup, à gauche, ont peur d’être ridicules en parlant à nouveau du temps de travail : on en a déjà tellement parlé. On a peur de faire « réchauffé ». Mais la peur n’est pas forcément bonne conseillère. Serons-nous capables de nous ressaisir et d’ouvrir un vrai débat sur cette question cruciale avant que la précarité généralisée ne débouche sur une crise majeure ?
Pierre Larrouturou*



Réaction(s) à cet article
10 Liens plus accessibles par Henri
le vendredi 04 mai 2007 à 19:07
J'ai essayé de mettre de façon plus accessible les liens cités dans des messages précédents. Je ne sais pas si cela va bien fonctionner. C'est le problème avec ces blogs où on ne peut pas vérifier les messages avant de les envoyer.

- Travail, chômage et choix de société
[ lire la suite ]
9 Usa : 34 heures de travail par semaine pour les Américains par Camille
le jeudi 08 mars 2007 à 03:03
La durée du travail est en moyenne de 34 heures par semaine aux Etats-Unis, à comparer avec une durée de 36 h en France, de 32 h en Grande-Bretagne et de 29 à 36 heures dans les principaux pays européens, pour l'ensemble des emplois à temps plein et à temps partiel.

Ces valeurs peuvent surprendre. Elles proviennent pourtant des statistiques... [ lire la suite ]
8 semaine de 7 jours par christian
le mardi 06 mars 2007 à 20:08
le gros avantage de la semaine de 4 jours serait de pouvoir faire travailler les entreprise 7j/7, et donc d'augmenter considérablement leur productivité.
En effet, cela permettrait de travailler 4 jours sur des semaines "classiques", et de completer en trois jours (incluant le week-end) pour le même salaire (donc heures sup comprises).
On... [ lire la suite ]
7 Faire ou écrire par THOMAS
le samedi 24 février 2007 à 15:03
Cet article est très interessant. Je crois que toutes les bonnes idées devraient être mises en expérimentation et donc que vous devriez créer une entreprise et mettre en oeuvre tout ce que vous préconisez. Dès que vous pourrez nous montrer les résultats réels,nous serons nombreux à venir les constater pour mise en oeuvre ailleurs(Bien sur je suis... [ lire la suite ]
6 Pierre LARROUTUROU : une incroyable clairvoyance ! par ecirbaf
le vendredi 09 février 2007 à 14:02
Co-dirigeant d'une entreprise de 44 personnes, j'ai eu la chance de rencontrer Pierre LARROUTUROU en 1994. J'ai mis en place un de ses concepts "la semaine de 4 jours" (création d'emplois par la réduction du temps de travail-loi expérimentale de Juin 1996). Après quelques mois d'étude avec le personnel pour réorganiser l'entreprise (ouverture 6... [ lire la suite ]
5 Les sources par Michel FRANCO
le vendredi 09 février 2007 à 02:02
Le graphique présenté, sur la part des salaires dans le PIB interpelle fortement. Il est au coeur du sujet de toute réflexion. Aussi, les sources doivent elle être données pour objectiver l'analyse. De surcroît, je suppose que d'autres courbes doivent augmenter et se seraient substituée à celle des salaires dans la part du PIB. Où peut-on se les... [ lire la suite ]
4 Durée du travail : apparences et réalité, France et autres pays par Camille
le dimanche 21 janvier 2007 à 17:05
Pour une durée légale du travail de 35 heures par semaine en France, la durée effective moyenne est de 39 heures pour les emplois à temps plein et de 36,3 heures pour l'ensemble des emplois (temps plein et temps partiel). Par comparaison, ces durées sont inférieures en Grande-Bretagne : 37,2 heures pour les emplois à temps complet et... [ lire la suite ]
3 Gains de productivité du travail, durée du travail, chômage par Camille
le dimanche 21 janvier 2007 à 17:05

Au lieu de réduire la durée du travail, comme dans les années 1970, les gains de productivité du travail ont conduit à un chômage très important, parfois caché en mettant plus de la moitié des chômeurs en invalidité (Pays-Bas, Grande-Bretagne, Danemark).

Les gains de productivité permettraient de réduire à quelques heures par semaine le... [ lire la suite ]
2 Pour lancer le débat par Mougnoz J
le jeudi 18 janvier 2007 à 23:11
Afin de réduire le temps de travail il faut que le capital reverse une part bien plus importante que ce qu'il le fait aujourd'hui. C'est dit dans l'article. Je pense que cela est possible, il ne manque que la volonté politique. Une solution a déjà été proposée à travers la taxe Tobbin qui prélèverai un certain pourcentage ( minime me semble-t-il... [ lire la suite ]
1 semaine de 4 jours par odul
le vendredi 15 décembre 2006 à 08:08
je souscris à l'idée de la semaine de 32 h..Mais comment faire passer l'idée qu'elle n'imputera en rien notre qualité de vie dans une société de consommation effrénée , de marketing et de faux semblant [ lire la suite ]