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>> Culture et Education >> Nouvelle politique d’enseignement et d’éducation >> Introduction A lire aussi dans l'Autre CampagneLIENS UTILES Appel pour une école démocratique Institut de recherches de la FSU LIVRES Yves Careil, Ecole libérale, école inégale, Paris, Syllepse/Nouveaux Regards, 2002. Christian Laval, L’école n’est pas une entreprise, Poches/La Découverte, 2004. Revue du Mauss semestrielle n° 28, "Penser la crise de l’école", 2ème semestre 2006. Changement de méthode Introduction par Christian Laval* Si l’école est inégale aujourd’hui, elle doit l’être encore plus demain. Telle est la maxime nouvelle que des « élites », qui méritent pleinement le qualificatif de réactionnaires, cherchent à imposer comme une évidence. La récusation de la carte scolaire, la relégation de la mixité sociale au rang de mythe dépassé, la sélection par l’argent à l’université, la concurrence généralisée entre établissements d’enseignement : ce programme témoigne de la façon radicalement décomplexée dont la classe dominante aborde aujourd’hui la question des inégalités scolaires. On dira avec raison que cette classe s’accommodait déjà fort bien de ces inégalités dont elle bénéficiait. Dans le discours au moins, il convenait pourtant de ne pas s’y résigner. La gauche tenait là son cheval de bataille. L’école a longtemps été son affaire, sur le plan symbolique au moins. Les choses ont changé. Nulle proposition neuve et nulle volonté réelle ne se discernent plus de ce côté-là. On n’y entend guère que d’anciennes rengaines « modernistes » qui ont déjà montré leurs effets tristes sous Allègre, sans oublier l’insipide torrent d’eau tiède d’une rhétorique qui mêle la référence républicaine à la bonne volonté pédagogique. La conjoncture sinistre est la suivante : d’un côté, une droite dure, unie, convaincue, affiche et impose un libéralisme scolaire de plus en plus ouvert, faisant le choix d’une école fortement différenciée selon les classes sociales, adaptée à la logique générale du marché, arc-boutée sur la conservation des « vraies valeurs » ; de l’autre côté, une gauche gouvernementale timide, sans doctrine et sans dessein, pour laquelle « la réforme de l’école » n’est plus rattachée à aucun projet social ambitieux. Quant à la « gauche critique », bien seule à ne pas céder au libéralisme, elle reste profondément divisée sur les options à suivre, en matière pédagogique notamment. Il importe pourtant de dessiner une voie contraire à la tendance dominante. Les contributions qui suivent ont en commun le refus de la verbosité hypocrite. Les propositions qu’elles contiennent sont des réponses partielles mais précises à quelques questions fondamentales : que faut-il enseigner ? à qui ? dans quel but ? Afin de dérégler la machine à produire de l’échec scolaire, dont l’effet politique et social, obtenu par une infériorisation de nature psychologique et morale, consiste à créer toujours plus de consentement et de servitude, Bertrand Ogilvie propose de modifier le mode d’évaluation, partant le mode d’enseignement. Si l’école est une institution de transmission des connaissances, leur acquisition par les élèves et les étudiants est le seul objectif à poursuivre, non le classement et la hiérarchisation des personnes. Principe qui, de proche en proche, affecterait jusqu’au geste pédagogique le plus élémentaire. Bernard Lahire tient, quant à lui, que l’esprit scientifique dans le domaine des choses morales et politiques devrait se former dès les premiers âges de la scolarité. Enseigner le monde social dès l’école primaire permettrait de renouer avec une ambition inaugurale de l’école républicaine telle qu’elle était formulée par Condorcet. Ambition que la bourgeoisie conservatrice a toujours refusée avec acharnement, sauf à lui substituer le catéchisme de la « culture d’entreprise » comme le souhaitent aujourd’hui la Commission européenne autant que le patronat français et l’UMP. Frédéric Neyrat, traitant des conditions d’ouverture réelle de l’université, touche au cœur du dispositif de l’inégalité scolaire : le système de formation donne moins à ceux qui ont moins. Une véritable démocratisation de l’enseignement supérieur supposerait une inversion des politiques actuelles qui accroissent les écarts entre établissements supérieurs. Frédéric Neyrat propose de doter tous les établissements, et en particulier les moins bien lotis, des moyens humains et matériels permettant un encadrement pédagogique efficace des étudiants. L’effort ne doit pas s’arrêter là. La volonté d’ouverture de l’université doit concerner toute la population et renouer ainsi avec la grande ambition du savoir pour tous. De façon compémentaire, Bruno Julliard propose d’instaurer un statut de l’étudiant et une allocation universelle d’autonomie, en s’appuyant sur le fait objectif et massif que pour de nombreux jeunes, souvent parmi les plus modestes, la précarité des emplois qu’ils sont obligés d’occuper et les conditions dégradées de vie qu’ils subissent sont des facteurs importants d’échec dans leur scolarité. Ces propositions, au-delà de leur apparente diversité, ont une propriété commune remarquable : le refus de se payer de mots au nom des grands principes. Quels sont les effets sociaux et politiques réels du fonctionnement de l’institution scolaire et universitaire ? A quoi visent effectivement les connaissances et les valeurs transmises ? Quelles sont les conditions concrètes, pratiques d’une véritable égalisation des conditions d’acquisition des connaissances ? A quoi l’on est tenté d’ajouter : quelle est la situation matérielle et symbolique faite aujourd’hui en ce pays aux enseignants comme aux chercheurs ? Il faut cesser de penser que ce qui est en dehors de l’école n’a pas d’effet sur ce qui s’y passe, tout comme on ne peut continuer d’ignorer les effets de l’école sur la société. De la même façon, comme le souligne plus loin Fabienne Messica, il faut refuser la méthode qui consiste à « blâmer la victime », vieille technique de culpabilisation, aujourd’hui rénovée aux couleurs de l’individualisme psychologisant, laquelle reste le meilleur moyen de ne pas s’interroger sur les causes effectives de l’échec scolaire. Il est au contraire urgent d’identifier et de contrer les facteurs sociaux, pédagogiques et institutionnels qui alimentent l’inégalité scolaire et culturelle et la reproduction sociale qui en découle. On sait qu’il ne suffit pas « d’accueillir » tous les jeunes dans l’école pour se sentir quitte. Dégradation et étroitesse de l’habitat, pauvreté des familles, faiblesse du « capital culturel », privation d’espoir professionnel et, au bout du compte, ghettoïsation des élèves qui accumulent ces facteurs sociaux négatifs contribuent à la fabrique de l’échec. D’où la ligne à tenir : les conditions réelles d’encadrement, l’ambiance collective de travail, la stimulation culturelle de l’environnement, la mobilisation intellectuelle de la pédagogie, la qualité des loisirs, c’est tout cela qui délimite d’abord le champ d’une politique éducative globale. Mais cela doit aller plus loin. Cette méthode concrète, pour laquelle la sociologie est requise, ne va pas sans le réveil de l’imagination politique. Comment penser le plus pratiquement possible l’école démocratique sans l’horizon d’une société plus égale et plus respectueuse de la richesse culturelle ? Une politique scolaire qui se voudrait de gauche est nécessairement une politique de société. Jaurès a dessiné la voie, il y a un siècle : « Quiconque ne rattache pas le problème scolaire, ou plutôt le problème de l’éducation à l’ensemble du problème social, se condamne à des efforts ou à des rêves stériles » . Posons la double règle jaurésienne comme instrument de méthode : l’inégalité scolaire est fonction, entre autres facteurs, 1) de tout ce qui accroît l’écart économique et la distance sociale et spatiale entre les groupes ; 2) de tout ce qui dévalorise le savoir humain et le prive de son sens à la fois intégrateur et émancipateur. Pas de culture commune sans condition humaine commune. L’école d’aujourd’hui est encore trop faite pour la barbarie d’aujourd’hui. L’école, ordonnée au développement humain pleinement accompli, ne sera continue, ouverte, lieu d’effort et de joie, que si la société se réorganise elle-même autour de nouvelles valeurs. La société, par son école et par elle-même, est toujours la véritable éducatrice. Christian Laval* * Sociologue, chercheur associé à l’Institut de recherches de la FSU et au Laboratoire Sophiapol (Sociologie, philosophie, anthropologie politique), université Paris X-Nanterre. [1] Jean Jaurès, De l’éducation, (anthologie), Syllepse/Nouveaux Regards, 2005, p. 140. Réaction(s) à cet article 6 Considérer la question scolaire, comme une question sociale par Frédéric le lundi 26 février 2007 à 10:10 Effectivement, considérer la question scolaire, comme une question sociale, est un changement radical de perspective. Cela permet aussi d'éviter que la responsabilité de toutes les difficultés de l'école ne portent sur les enseignants et ne soit réduit à un problème d'inadaptation des "méthodes". [ lire la suite ] 5 L'école et ses relations avec le social par Hervé le lundi 26 février 2007 à 10:10 Quel plaisir de voir et entendre celui que j'ai pris tent de plaisir à lire.
D'accord avec tout ce qui est dit; Pour l'école et ses relations avec le social, c'est vrai que nous sommes peu à peu submergés et découragés. Pour les issus politiques, on ne peut faire l'impasse sur les propositions qui circulent. Je pense à celle qui sentent la pate... [ lire la suite ] 4 Enseignement par David le lundi 26 février 2007 à 10:10 Enfin quelqu'un qui parle vrai sur l'enseignement, ça fait du bien après tant de démagogie et de saupoudrage de mesurettes de la part des candidats.. [ lire la suite ] 3 Pour une éducation de base inconditionnelle par Monjo Roger le samedi 24 février 2007 à 18:06 « Le jugement que prononce l’école ne peut pas davantage être quelque chose d’achevé, que l’homme n’est, en elle, achevé. (...) il n’appartient pas à ces jugements d’exercer la moindre influence immédiate sur la destination ultérieure de la vie et la position future au sein de l’organisation politique. Car, de même que le travail de l’école est un... [ lire la suite ] 2 et la recherche ? par B. Wicker le vendredi 16 février 2007 à 18:06 Bonjour,
Je ne trouve nulle part sur le site une contribution ayant trait à la place de la recherche scientifique. Cela me paraît être pourtant un aspect fondamental à inclure dans votre rubrique Culture et Education. Le mouvement "sauvons la recherche" est d'ailleurs en pleine bataille pour tenter de faire comprendre qu'un financement... [ lire la suite ] 1 et la formation des enseignants? par F.Cahen le lundi 29 janvier 2007 à 22:10 Bonjour,
J'apprécie beaucoup votre texte (et vos travaux en général), notamment quand il souligne combien nostalgie élitiste et "modernisme" pédagogiste constituent une alternative infernale, aux effets finalement convergents. Je me permets quelques remarques, à la volée. Un point me semble oublié dans les différentes contributions sur le... [ lire la suite ] |
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