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Pour des droits intangibles des étrangers
par Richard Moyon*

 
L’étranger, et l’immigration en particulier, apparaissent régulièrement dans le discours politique comme un danger potentiel pour nos sociétés. Un discours habituellement attribué à l’extrême droite, repris par les partis de la droite classique et, par moments, une partie de la gauche. L’Europe est hantée par le spectre d’une invasion incontrôlée d’étrangers, source de conflit permanent, semant le chaos dans nos sociétés si bien organisées. L’immigration est fréquemment associée aux mots délinquance, chômage, assistanat, intégrisme, insécurité. Il s’agit là d’un discours démagogique et populiste qui fait partie d’une stratégie politique douteuse : faire reposer les problèmes de la société sur le dos des étrangers tout en alimentant les craintes d’un éléctorat qui se sent de plus en plus vulnérable dans ses acquis sociaux.

Or, chacun le sait, l’immigration est au contraire une nécessité pour le développement des pays occidentaux. Tout au long du XXe siècle, la France a fait appel aux immigrés italiens, polonais, maghrébins pour répondre à ses besoins de main d’œuvre. Ces populations ont enrichi le pays tant au niveau économique que culturel. L’identité de la France s’est également construite sur le brassage permanent des populations, sur l’échange des idées, de mœurs et de savoir-faire. Aujourd’hui encore ce sont en majorité les immigrés qui servent de réservoir de main d’œuvre dans les secteurs caractérisés par le niveau bas des salaires et de protection sociale, peu recherchés par la population « nationale ». Il est également reconnu, y compris par la droite, que l’Europe a besoin d’immigrés pour renouveler sa population vieillissante.

On peut dire, d’une certaine façon, que l’histoire de l’humanité est celle de ses migrations. A commencer par les migrants européens : 40 millions d’entre eux ont quitté le vieux continent au XIXe siècle, colonisant toute la planète.

Dans l’histoire, la majorité des migrations se sont produites de manière violente. L’immigration actuelle se fait de façon pacifique et dans un souci d’intégration. Elle est la conséquence de l’inégalité flagrante entre les pays du Sud et du Nord. Les pays du Sud, anciennes colonies, sont marqués par la misère entretenue par les institutions économiques mondiales dominées par le Nord (OMC, FMI) et par des politiques visant les seuls intérêts des entreprises multinationales et des pays riches. Le flux migratoire vers le Nord ne pourra s’arrêter tant qu’il n’y aura pas de politique effective permettant le développement des pays pauvres. Or la migration fait partie du fonctionnement normal du système politique mondial et sert de régulateur naturel, quoique insuffisant, de ce déséquilibre. Les immigrés contribuent de manière significative au développement de leurs pays d’origine, par l’intermédiaire de transferts financiers importants. Selon l’OCDE, ces transferts s’élevaient en 2003 à l’échelle mondiale à 100 milliards $, tandis que l’ensemble de l’Aide Publique au Développement atteignait la même année 68,5 milliards de $ (en comparaison, les dépenses en armement atteignaient 1 035 milliards de $).

Il faut opposer au discours démagogique les faits. Jusqu’à présent, aucune étude n’a démontré la corrélation entre le nombre d’immigrés et le chômage. L’insécurité, la délinquance, la pauvreté sont la conséquence de politiques de précarisation, de remise en cause des acquis sociaux, d’une redistribution de richesses inégalitaire et injuste. Les études de l’INSEE prouvent que la proportion d’immigrés est restée stable depuis 25 ans ; on peut considérer dès lors que différentes politiques à l’égard d’étrangers, qu’elles soient répressives ou non, n’ont pas d’incidence sur les flux migratoires. Les estimations du nombre d’immigrés clandestins (sans-papiers) variant entre 200 000 et 300 000 les intentions du gouvernement d’expulser 20 000 personnes par an pour régler le problème se révèlent absurdes et irréalistes. Il faudrait 10 à 15 ans, à supposer qu’il n’y ait plus de nouvelles arrivées. Pour que l’expulsion des étrangers soit « efficace », il faudrait recourir au moyens qui ont rendu possible les déportations en masse pendant et après la seconde guerre mondiale. Personne ne les envisage, heureusement !

Les droits des migrants et des étrangers sont remis en cause par les inégalités sociales et la discrimination. Objet du mépris, des discours et comportements racistes et xénophobes, l'étranger est davantage touché par la précarisation et l’insécurité. Leur mise au ban fait partie d’une politique de remise en cause des systèmes de protection sociale de l’ensemble de la population. Le patronat s’en sert pour maintenir des bas salaires et de s’attaquer au progrès social et démocratique. De plus, cette politique donne aux organes répressifs des outils qui mettent la démocratie en péril (fichage, brutalité policière, atteinte à la vie privée, droit de vivre en famille, etc.). Les institutions de l’Etat protégées par la hiérarchie et une législation de plus en plus exclusive ne se sentent plus tenues au respect des droits et des libertés élémentaires.

La liberté de circulation et d’établissement fait partie des droits fondamentaux qu’il faut remettre l’ordre du jour. Il faut créer des dispositifs d’accueil et d’insertion favorisant l’accès au logement, à l’éducation et à l’emploi. La lutte contre le travail clandestin doit être liée aux politiques de l’emploi, dans le respect du droit des personnes et du droit de travail. Il faut rendre sa place à la notion de citoyenneté de résidence, fondée sur le droit du sol. Tous les résidents doivent avoir la garantie de l’égalité des droits, avoir le même accès à tous les emplois et avoir l’égal accès a toutes les instances participatives et représentatives, le droit de voter et d’être élus dans le lieu de leur résidence. C’est à ce titre qu’il faut procéder à une régularisation massive des migrants et des étrangers, afin qu’ils puissent bénéficier des mêmes droits que les autres citoyens.

Les politiques néfastes d’hier et d’aujourd’hui s’appuient sur une idée obsolète : celle de la nation. Dans le contexte actuel de la mondialisation, la notion même d’étranger est un non-sens. Contre la culture des particularismes il faut mettre en avant un héritage culturel commun, celui de toute l’humanité.
Richard Moyon*

* Porte parole de Resf. Propos recueillis par Cédric Jaburek.



Réaction(s) à cet article
1 16 propositions pour l'égalité des résidents étrangers en France, le droit de vote et l'acquisition de la nationalité par Georges Debrégeas
le lundi 05 mars 2007 à 20:08
Paul Oriol, membre des Alternatifs, nous signale une campagne lancée par l'ACER (Association pour une citoyenneté Européenne de résidence). Il s'agit de 16 propositions, dont notamment (mais pas seulement) le droit de vote des étrangers résidents en France :
http://perso.orange.fr/paul-oriol/notacermzthieu.pdf [ lire la suite ]