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Introduction
« Marianne, tu m’avais promis !… »
par Céline Curt*

 
En 1789 et ensuite, tant de choses ! Liberté, Egalité, Fraternité… une Justice équitable, le peuple souverain, la démocratie, les Droits de l'Homme. Mais tu m'avais promis ! dirait l'enfant bafoué, réactif aux injustices et aux abus mais qui, naturellement confiant, attend de l'autorité qui s'exerce sur lui une exigence constructive, attentive à ses besoins, loyale, sans volonté infanticide ni désir de lui ôter le droit d'être un jour grand.

Formés à l'idée qu'existent limites et sanctions aux atteintes à nos libertés, chacun attend beaucoup de ceux qui ont mission de nous représenter, de faire la loi, de nous juger, de nous défendre, plus encore les mal instruits, mal placés, jeunes de banlieues ou gens issus des colonies, à l'histoire revisitée. Et ceux qu’on dit inaccessibles à la compréhension des règles, en casquette et survêtements, badauds ou personnes concernées, vont souvent voir comment la Justice se rend, s'intéressant à cet outil de régulation des conflits, toujours et malgré tout, légitime à leurs yeux.
On lit, écoute les journaux, parle de l'Affaire Outreau. Nul ne croit risquer être accusé sans preuve, incarcéré sans motif, maltraité, kidnappé par des avions fantômes, interrogés en secret dans des geôles illégales. Il y a peu Guantanamo ou la redéfinition de la torture étaient science fiction.
Aujourd'hui, le cauchemar : à tout prétexte on inocule le poison qui tue la démocratie, avec la peur et la tolérance zéro, on priverait bien tout suspect (d'incompétence professionnelle, fraudes, trafics, terrorisme, pédophilie, nomadisme, prostitution, séjour irrégulier ou agitation en crèche du gamin, etc.) de tous droits, de la présomption d'innocence et du droit à l'oubli (plaignants, mis en cause, témoins, inscrits pour des décennies sur de multiples listing aux erreurs diverses, parfois irréparables).
Lois Perben I, II, Sarkozy I, II, III… droit pénal et sa procédure, récidive, délinquance routière, marchés publics, tout est réformé au bénéfice du plus fort, de l'accusation, de la prolifération des fichiers, de la dénonciation anonyme ou des refus d’agrément pour un travail en zone aéroportuaire ou dans la sécurité.
Nouvel outil de délation, de fichage, encore, la loi de lutte contre le blanchiment d'argent, inefficace contre les transferts de capitaux d'une société écran à l'autre mais gravement liberticide pour tous, imposera aux avocats de déclarer leur soupçon, avant toute preuve et de violer leur secret professionnel, essence de la profession.
Bientôt, au nom de la prévention de la délinquance, un maire, super policier, à qui tout professionnel devra dénoncer les personnes en difficulté matérielle, sociale ou psychologique et les écoles signaler l'élève après 4 absences afin de repérer les familles à risque, ordonner des stages de parentalité, supprimer les allocations familiales, etc.
Science, nouvelles technologies et biométrie sont au service d'un nouvel encartage, peut-être centralisé mais le pouvoir de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) vient être diminué par une nouvelle loi.
Parallèlement, l'archaïsme : méthodes policières inacceptables, peu sanctionnées, tolérées. Prisons honteuses où le droit des détenus est notoirement violé, leurs conditions de vie abjectes dénoncées par les plus hautes instances sans que rien n'évolue. Le bilan du tout-sécuritaire est négatif et la loi, frénétiquement pondue au gré des faits divers ou des intérêts particuliers, perd son sens, sa lisibilité alors que nos institutions sont manipulées et outil de communication électorale.
C'est la suspicion générale et la rupture de confiance entre le citoyen et l'Etat.
Outil de gouvernance, délation et fichiers ; instruments de contrôle, maltraitance et muscles, nouveaux modes de régulation des désordres et de la misère sociale. Ne pas être pauvre, malade ou malheureux, ni jeune, tzigane ou arabe sur curriculum vitae !
Un système cohérent est en place, national ou mondial, qui écrase, tue – parfois un continent entier, chair déchiquetée sur les barbelés du paradis rêvé, corps épuisés échoués sur les plages – exclut, enferme, relègue, tatoue à jamais ; réduit la liberté d'expression, encadre la religion, l'intimité, la vie privée, laisse mourir de faim, de froid ou de l'incendie de leurs mauvais hôtels des êtres sans pouvoir ni droits mais impunis sont les pires abus commis au préjudice des recommandations de l'ONU, de la planète (marées noires sans responsables, détournements de pouvoirs, guerres iniques). Un nouvel ordre social est arrivé, masqué par une agitation-propagande efficace, instaurant pouvoir du prince et arbitraire. Les cyniques nouveaux Zorro organisent le désordre, sans frein.

Sans l'innocence de l'enfance, ni inconscientes ni irresponsables, des voix multiples, peu écoutées, disent cet inconcevable arrivé, par la loi ou pire, l’offense qu’on lui fait, sans démission des responsables, ni mise en cause publique ni poursuites judiciaires contre d’inacceptables scandales.
La Justice n'est pas la même pour tous et les atteintes les plus fortes à nos libertés ou à la séparation des pouvoirs ne rencontrent plus d’obstacles. Délétère climat pour nos libertés, notre égalité, notre fraternité à dénoncer par ceux qui briguent des mandats électifs car cette insolente surdité ou cécité met en péril la République, le sens de la loi et la Justice.
Donc faire réagir ces « brigands de mandats » (pardonnez ce barbarisme provocateur) pour exiger d'eux l'urgence à revenir en arrière et à innover enfin pour une vraie démocratie : abroger tous ces textes liberticides, revenir à la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence et le droits des victimes, imposer l'apprentissage du Droit à l'école comme matière fondamentale dès le plus jeune âge, exiger un moratoire du parlement, donner à la CNIL un vrai pouvoir, créer ces autorités de contrôle indépendantes et extérieures partout où elles sont demandées, réformer avec sérénité et en collaboration avec les intéressés, les procédures ou institutions qui n'assurent pas le respect de nos principes fondamentaux, de l'accès au juge et à l'avocat pour les plus démunis, et aussi respecter les traités internationaux, notre droit interne et les injonctions ou condamnations européennes. Cesser d’être le cancre de l'Europe !
Céline Curt*

* Avocate au Barreau de Seine-saint-Denis, Noisy-le-Sec, présidente de la section de Bobigny du Syndicat des Avocats de France (SAF) et membre du bureau national du SAF.