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>> Citoyenneté et institutions >> Mettre en œuvre une autre politique de la sexualité et des libertés sexuelles et repenser les politiques familiales >> Garantir à toutes les femmes la libre disposition de leurs corps
 
Garantir à toutes les femmes la libre disposition de leur corps
par Marie-Laure Brival*

 
La volonté des femmes à disposer librement de leur corps par la limitation des naissances est une préoccupation dont on retrouve les traces dès l’antiquité en réponse à diverses exigences médicales, sociales ou culturelles.
En ce début de troisième millénaire, l’accès à une contraception adaptée, à la contraception d’urgence et à l’interruption volontaire de la grossesse doit être posé comme un droit fondamental et universel. C’est pourquoi, il est essentiel que l’accès aux différentes méthodes de maîtrise de la fécondité, contraception et avortement, se fasse dans les conditions optimales pour toutes et pour tous dans le cadre d’une politique de santé globale, sans distinction sociale, raciale ou religieuse.

Contraception et avortement sont les deux aspects de la maîtrise de la fécondité. Les données récentes montrent que les femmes françaises détiennent le record du monde des utilisatrices de contraception [1]. Cependant, le nombre d’interruption de grossesse reste stable, autour de 220 000 chaque année, et ce depuis trente ans [2].
Force est de constater que ces deux outils sont nécessaires pour garantir aux femmes la libre disposition de leur corps.
Il est de la responsabilité du politique de tenir compte aussi de la réalité, de la quotidienneté des femmes face à la maîtrise de leur fécondité.

En France, sous la pression féministe, des professionnels et de la société civile, l’acquisition de ces droits a été l’aboutissement d’une longue mobilisation.
La loi du 4 juillet 2001 qui réunit pour la première fois dans une seule et même loi les questions de contraception et d’avortement vient améliorer et assouplir le dispositif de 1975 (la Loi Veil). Elle porte de 10 à 12 semaines de grossesse le délai de recours à l’IVG, autorise la pratique des IVG hors hospitalisation avant 5 semaines, aménage la règle de consentement parental pour les mineures et supprime l’entretien psychosocial pour les majeures.

Cependant aucun acquis ne l’est pour toujours surtout si la pratique de terrain vient contrer la loi et empêche réellement son application. Malgré les avancées législatives certaines, de nombreux dysfonctionnements continuent d’avoir des conséquences négatives pour les femmes et les couples. Les difficultés auxquelles sont encore confrontées les femmes dans l’exercice de leur droit amènent à proposer un certain nombre de dispositifs pour l’accès à une contraception adaptée, à la contraception d’urgence et à l’IVG dans de bonnes conditions pour toutes les femmes qui décident d’y avoir recours.
Plusieurs évolutions sont à envisager. L’intégration à part entière dans la formation initiale et continue des médecins des questions concernant la santé génésique des femmes est essentielle. Actuellement seulement deux heures de cours sur sept ans de formation sont consacrées à la contraception et aucune à l’avortement.
Une éducation à la sexualité dès la maternelle et adaptée à chaque étape du développement de la personne doit être intégrée dans tout le cursus scolaire au même titre que les autres disciplines. Il y a réellement une nécessité à intégrer cette dimension structurante dans le développement de l’individu. Actuellement seulement trois séances annuelles sont prévues. Une concertation entre parents et professionnels autour de la sexualité des adolescents et la reconnaissance de la spécificité du rôle parental sont également à privilégier.
Des campagnes nationales régulières d’information sur la contraception et l’avortement doivent être massivement mises en œuvre. Actuellement les campagnes sur la contraception sont trop rares et il n’existe aucune campagne d’information sur l’avortement. Trop de femmes perdent encore du temps précieux en démarches inutiles et laborieuses faute d’information.
Il faut également favoriser l’accès à la contraception par le remboursement de tous les contraceptifs et la gratuité pour les mineures. En effet La précarité augmente et touche plus particulièrement les femmes. L’achat d’un contraceptif passe après les besoins de première nécessité.

Surtout et avant tout il est urgent et fondamental de rendre obligatoire l’application de la loi de juillet 2001 dans son intégralité avec obligation pour les services de gynécologie obstétrique de pratiquer des IVG. Cette obligation ne se fera pas sans la création de services d’orthogénie à budget ciblé et personnel dédié et sans la reconnaissance des praticiens de l’avortement comme des praticiens à compétence particulière. Enfin tant que le coût réel de l’acte IVG ne sera pas pris en compte avec sortie du système forfaitaire, la nouvelle budgétisation des établissements de soins à l’activité aboutira à l’exclusion de cette pratique, peu rémunératrice dans le cadre forfaitaire, des activités hospitalières.
La mise en place de sanctions en cas de non-application doit être instauré sans délai et un état des lieux réguliers de l’application de la loi doit être rendu public par le gouvernement. En effet depuis la loi de 1975, les dispositions même de la loi en limitent l’application. C’est une loi qui autorise les femmes à interrompre une grossesse non-désirée mais n’oblige en aucun cas le médecin à pratiquer l’acte. Le médecin dispose d’une clause de conscience. La loi oblige les établissements de soins à organiser la prise en charge des IVG mais aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect de cette obligation. Ainsi depuis 1975 certains établissements de soins, en toute impunité, ne pratiquent aucune IVG ou plus fréquemment n’appliquent que très partiellement la loi. Ainsi l’accès à l’interruption de grossesse prend parfois l’allure d’un véritable parcours du combattant et plus particulièrement pour les plus démunies.
Tant que les établissements hors la loi ne seront pas sanctionnés les difficultés d’accès à l’interruption de la grossesse seront un problème récurrent pour les femmes et cet acte gardera une place marginale dans la pratique médicale. La liberté des femmes à disposer de leur corps est un acquis à défendre dans l’intérêt bien compris des femmes et des hommes.
Marie-Laure Brival*

* Chef de service, Maternité des Lilas, présidente de l’ANCIC.

[1] Selon l’enquête COCON, (COCON, enquête socio épidémiologique Unité mixte n°569 Inserm, Ined) seules 5% des femmes entre 15 et 44 ans ne souhaitant pas de grossesse n’utilisent aucun moyen de contraception.
[2] Les dernières statistiques (2003) montreraient même une légère diminution (-1,6%) DREES n°431 octobre 2005.


Réaction(s) à cet article
1 de l'incompétence des femmes en politique par jpmalossanne
le vendredi 16 février 2007 à 10:10
Personne ne reléve la différence de traitement par les médias entre les campagnes des "candidats favoris". Certe l'un a le soutien des grands médias mais il me paraît évident que joue aussi, parfois peut-être inconsciemment,l'idée que l'autre est une femme donc in compétente. Quand l'une fait une erreur dans ses déclarations les journalistes font... [ lire la suite ]