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Les réactions à "L’aliénation carcérale : sortir d’une impasse ?"par Michaël Faure

1 Après la visite des élus au centre pénitentiaire de Varennes le Grand par Daniel Deriot
le lundi 05 février 2007 à 12:12
La lecture de l’article relatant la visite des élus découvrant le Centre Pénitentiaire de VARENNES LE GRAND ( Journal de Saône et Loire du Vendredi 6 octobre 2OO6) peut laisser supposer que l’univers carcéral est un lieu propice à la détente. Il nous semble nécessaire de reprendre point par point les allégations contenues dans cet article qui contribue une nouvelle fois à creuser le fossé entre les citoyens »normaux » et ces détenus considérés comme « a -sociaux ».
SOYONS CLAIRS : Il ne s’agit pas ici de remettre en question les raisons pour lesquelles ces détenus sont incarcérés. Un grand nombre d’entre eux ont commis des délits, des crimes et il est normal qu’ils soient sanctionnés.
NOUS SOUHAITONS ECLAIRER votre jugement et vous fournir des éléments de réflexion qui vous permettront de mieux connaître les problèmes liés à l’incarcération et à la prison. Si cette démarche initiée par l’association des maires de Saône et Loire est tout à fait intéressante et louable et qu’elle permette de balayer quelques clichés, le compte rendu paru dans le Journal de Saône et Loire nous a interpellé et nous nous permettons de vous apporter des précisions.
EN PREMIER LIEU, nous n’oublions pas que LA PRISON est un lieu de PRIVATION DE LIBERTES. C’est un véritable choc pour le prévenu, le condamné et pour leurs proches (15% de suicides ont lieu lors des premières semaines d’incarcération), n’oublions pas non plus : la séparation avec les familles, la lecture du courrier, la promiscuité rencontrée par les détenus (qui devraient bénéficier d’une cellule de 9 mètre carré) mais qui se retrouvent à deux, parfois trois détenus…
A l’intérieur de cet établissement cohabitent différents régimes d’incarcération.
Le prévenu non encore condamné est soumis à un régime particulier pendant un certain temps, il ne peut communiquer avec sa famille, ses proches et ses amis. L’autorisation de visite est soumise à l’autorité judiciaire chargée de l’instruction. Il ne peut joindre ses proches par téléphone.
Certains détenus condamnés bénéficient de l’autorisation de téléphoner lorsqu’il sont au centre de détention.Il s’agit de détenus condamnés à de plus longues peines bénéficiant il est vrai, d’un peu plus de libertés dont celle de téléphoner deux fois par mois à leurs proches (dans la journée néanmoins). Pour ceux qui sont à la maison d’arrêt, il n’existe aucune possibilité de communiquer avec l’extérieur en dehors du courrier (entrant et sortant) systématiquement lu par l’administration pénitentiaire.
Les visites au parloir sont évidement soumises au préalable à l’autorisation judiciaire et une enquête de moralité a lieu ; deux mois en moyenne sont nécessaire afin d’obtenir le droit de visite. Les détenus condamnés peuvent bénéficier de trois visites par semaines, s’il s’agit de prévenus les autorisations sont plus difficiles et les visites moins nombreuses. Afin de visiter un prisonnier,il faut également obtenir une place : les demandes sont plus nombreuses que les places disponibles.La durée de visite est d’une heure. (Deux heures possibles deux fois par mois lorsque vous habitez à plus de 1OO kilomètres).Une visite à un détenu c’est également au bas mot une demi journée. Il faut ensuite arriver ½ heures avant l’heure du parloir et passer par plusieurs contrôles (passage au détecteur de métaux, attente dans un sas avant et après la visite. Le parloir est toujours une épreuve pour les proches : locaux sans fenêtre, présence d’une vingtaine d’autres personnes…Les parloirs sont séparés par des cloisons d’1 M 5O sous l’œil des surveillants, la promiscuité avec les autres personnes ne laisse aucune place à l’intimité. Une heure c’est tellement court mais dans beaucoup de centres, les parloirs ne durent qu’une demi heure (comme à DIJON par exemple).Quant au lieu privilégié pour les relations avec les familles, il existe effectivement mais il est rarement utilisé. Les enfants et les adolescents sont accueillis dans le parloir classique.
Vous seriez surpris par le nombre de familles accompagnées de leurs enfants qui viennent au parloir.Un seul local est tout à fait insuffisant.
Certains détenus n’ont aucune visite, aucun courrier car il faut de la chance pour bénéficier d’une relative aisance (revenu réguliers, voiture) pour visiter un détenu.
Les choses sont bien moins faciles pour un grand nombre de familles aux petits revenus, la précarité ne leur permet pas de venir au parloir. A titre d’exemple le retour LE CREUSOT CHALON en train ou en bus coûte 15 euros et pèsent lourd dans un budget quand on n’a pas d’argent. LES DISPARITES SOCIALES SONT CRIANTES.
Elles sont oubliées dans l’article relatant la visite des élus au centre pénitentiaire. En prison, tout est payant : le schampoing, les rasoirs, le gel douche…Le ventilateur (bien nécessaire au mois de juillet). Tout se paye.C’est le système des cantines, les détenus ayant de l’argent ont la possibilité de commander ces produits de premières nécessité par le biais des bons de commandes. Précisons que ces produits sont vendus en général plus cher qu’à l’extérieur et qu’il n’est pas possible aux familles et aux proches de faire rentrer ces denrées pour des raisons de sécurité. Un détenu afin de vivre d’une manière simple et ordinaire doit dépenser près de 2OO euros par mois. Le travail en prison (et bien des détenus n’en bénéficient pas) est sous rémunéré. Par ailleurs notons, que les inspecteurs du travail ne franchissent pas encore les portes des ateliers.
Les détenus qui travaillent ne cotisent pas à une caisse de retraite et ils sont parfois suspendus d’atelier pour des motifs mineurs et n’ont aucun recours, et le nombre de places est limité en atelier ainsi que dans les services généraux. Pourtant le TRAVAIL est un élément MAJEUR pour la REINSERTION et rentre en compte dans le calcul des remises de peines.
Abordons justement le problème de la réinsertion : des efforts louables sont accomplis par l’administration pénitentiaire à VARENNES, mais notons toutefois qu’il n’y a que 2 travailleuses sociales travaillant au S.P.I.P ( Service de Probation et d’insertion pentitentiaire pour plus de 45O détenus. Ces agents du Ministère de la justice effectuent un travail formidable au quotidien : accueil, écoute, accompagnement sans oublier le suivi des dossiers pour les demandes de permissions…etc.
A l’impossible nul n’est tenu !!!Mais il ne s’agit malheureusement pas d’une exception, il s’agit d’un problème récurrent dans les prisons françaises et VARENNES n’y fait pas exception. Certes les détenus ont la possibilité de suivre certains cours, pour certains d’entre eux de préparer et de passer des concours. Mais rappelons que le taux d’illettrisme est énorme en prison. Que de TRAVAIL et de CRUEL MANQUE de MOYENS (et de volonté politique) face à la tâche. Les chantiers sont nombreux.
Nous pourrions également aborder le problème de surpopulation carcérale : le taux d’occupation est de 14O % à VARENNES ce qui est relativement acceptable face au 2OO % qu’affichent certaines prisons de l’hexagone ! Il est quasiment impossible aux détenus d’être seul en cellule. Pourtant un texte de loi voté en 1999 stipule que chaque détenu doit pouvoir bénéficier d’une cellule de 9 m2 d’ici 2OO8 ! On est loin de ce chiffre !!!Imaginez vous contraint de partager un espace exiguë (9 m2 en moyenne) 23 H sur 24 avec une personne que vous n’avez pas choisi ayant des comportements violents ou autres …
Les détenus de VARENNES ont à leur disposition une salle de sports,une bibliothèque ( encore faut il savoir lire ! ) mais affirmer qu’ils ont la possibilité de randonner en forêt,de visiter des expositions,d’assister à des concerts comme l’indiquait la journaliste dans son compte rendu est absolument faux…Des activités existent,rendons hommage aux personnels leur consacrant énergie et dévouement,néanmoins les activités relatées dans l’article sont réservées aux seules populations mineures (sorties par exemple).
De plus n’oublions pas qu’il existe à l’intérieure de la prison la dure loi du milieu, la soumission aux plus forts et pour certaines catégories de détenus l’exclusion. La violence entre les détenus est extrême (brimades, rackets) sans oublier les trafics divers et malgré toutes les précautions prises par l’administration et pas un mot sur les fouilles corporelles que subissent les détenus à chaque retour de parloir, fouilles humiliantes et finalement inutiles puisque les trafics se déroulent à l’intérieur de la détention. Les différentes catégories de condamnés cohabitent au centre de détention : incarcérés pour vols, alcool, meurtres, trafiquants de stupéfiantsavec les peines encore plus lourdes… Autant de situations qui ne contribuent pas non plus à améliorer la vie des détenus mais aussi celle des personnels. Il n’est pas inutile de rappeler que 3O % de la population carcérale sont toxicomanes et que 2O % d’entre eux sont atteints de troubles psychiatriques !
Que dire encore : les détenus votent ils ? Eh bien non, pourraient ils ? Beaucoup sont privés de droits civiques et ceux qui le pourraient ne connaissent pas leurs droits. Bon nombre de détenus âgé ont également le droit à la retraite qui est souvent suspendu.
Alors certes, le centre pénitentiaire de VARENNES n’est pas FLEURY MEROGIS, le personnel est dévoué et la grande majorité accomplit son travail avec cœur la plupart du temps. Il est normal que les personnes qui ont commis des actes répréhensibles soient sanctionnées, qu’elles perdent certains droits, mais il faut qu’elles soient traitées avec HUMANITE et DIGNITE. La prison ce n’est pas le club méditerranée, la prison c’est aussi des peines pour les détenus, pour leurs proches et aussi une épreuve. Imaginez leur détresse, leurs difficultés quotidiennes. ET ils sont dans certains cas des parias.
Il est important et pas inutile de rappeler que LA PRISON doit être l’EXCEPTION. La mise en place du bracelet électronique se met en place dans un grand nombre de prisons.Là encore sur ce sujet, les critères d’attribution sont multiples : logement et travail notamment que les détenus ne peuvent pas toujours remplir en raison des difficultés familiales mais aussi économiques. Le recours plus systématique à la libération conditionnelle permettrait de désengorger les prisons et éviterait la récidive.
La prison se trouve aujourd’hui à un carrefour est devient une structure aux multiples objectifs : éducation, formation, soin.
Il est nécessaire de s’interroger sur le sens de la peine, sur la nécessité d’expliquer en prison le sens de la condamnation.
Trop souvent la fin de peine est méconnue des détenus qui bénéficient de remise de peine mais aussi de grâce présidentielle qui a pour but de réduire la population carcérale. La surpopulation est régulièrement dénoncée par certains acteurs du système judiciaire, par des observateurs avertis mais aussi par des parlementaires. Il n’est pas inutile que des élus locaux découvrent enfin UNE INSTITUTION de LA REPUBLIQUE, c’est une satisfaction. N’oublions pas de rendre hommage à l’ancien médecin chef de la Santé Véronique VASSEUR qui a dressé un constat alarmant des lieux au début de l’année 2OOO. Et ce constat a été confirmé ensuite par des rapports du Sénat et de l’assemblée nationale.L’un des ces rapports a pour titre : « Prisons : une honte pour la République », ce document n’a nullement été contesté et il est encore malheureusement d’actualité !

Daniel DERIOT
Travailleur Social
Engagé en faveur des droits de l’homme.